La trajectoire des confettis
Il y a toujours quelque chose de grisant à ouvrir un premier roman, quelque chose comme une promesse d’inconnu, un appel à la rencontre. Lorsqu’on entre à tâtons dans La trajectoire des confettis de Marie-Ève Thuot, c’est pour y découvrir une autrice ambitieuse portant une entreprise qui souhaite embrasser large: sur plusieurs générations, l’histoire d’une famille nous est racontée dans sa plus grande intimité. Comment les rapports sociaux, amoureux, sexuels engendrent-ils une construction différente de soi? Est-ce que la libido peut être héréditaire? En quoi la chasteté nous pousse-t-elle en marge de la société? À une époque où la ligne entre sexualité et vulgarité peut sembler être floue, Thuot sonde la bestialité en chacun, cherchant ainsi un fil d’Ariane – ou de dentelle.
Zack, Louis et Xavier forment un clan aux sexualités atypiques: si Zack est en couple ouvert avec Charlie et qu’ils y rencontrent un bonheur certain, Louis enligne les conquêtes de quelques mois dans un pattern bien connu de tous, alors que Xavier, beau barman de Chez Hélie, se refuse toute intimité. Orbitent autour d’eux Alice la mère, Jacques le beau-père, Matthew le père absent et frivole, Bastien et Clara le couple formé d’une tante et de son neveu, Rosalie l’enfant qui souhaite se faire ligaturer les trompes de Fallope pour ses 18 ans. Et aussi, voire surtout, la mystérieuse Raphaëlle (ou était-ce Oscara, peut-être Fanny, non, je crois que c’est Ulrique-Éléonore, qui sait peut-être même Cléopâtre), cette fille qui tourmente Xavier avec ses paris d’ivrogne et son dinosaure tatoué sur la main.
Si, de prime abord, La trajectoire des confettis peut sembler complexe, la construction narrative de Thuot est habile en tout point: les chapitres subdivisés aident à suivre l’autrice dans ses changements de narration et, plus le livre avance, dans ses changements d’époque. Dans une certaine mesure, le livre semble parfois proposer des variations sur un même thème, mais il y a un rythme addictif qui nous empêche de lâcher ce roman. Les personnages de Charlie et Raphaëlle portent une bonne partie des subtilités de l’histoire et on aime les retrouver. Évitant le piège d’une intellectualisation à outrance des rapports sexuels, La trajectoire des confettis est un roman typiquement de son époque, porté par une voix littéraire que nous serons curieux de retrouver dans quelques années.
Marie-Ève Thuot, La trajectoire des confettis, Les Herbes rouges, 624 pages.