Nelly & Sylvia au FIL : sororité littéraire
Elles ont eu un destin similaire, toutes deux ayant quitté ce monde à 30 ans. Mais elles ont plus en commun que la mort: elles partagent une voix que plusieurs s’évertuaient à ne pas entendre. Aujourd’hui, leur parole se rencontre sur scène. Nelly & Sylvia, des sœurs littéraires.
Le 24 septembre prochain marquera les dix ans de la mort de Nelly Arcan, autrice ayant laissé derrière elle une œuvre qui touche encore bien des gens. La journaliste et autrice Claudia Larochelle, sa grande amie, a voulu souligner cet anniversaire dans le cadre du Festival international de littérature (FIL). Celle qui a dirigé le livre collectif consacré à cette grande sœur, Je veux une maison faite de sortie de secours, voulait un hommage qui sort de l’ordinaire, de la traditionnelle suite de lectures. Quoi de mieux alors que d’initier un dialogue avec «une écrivaine dans la même veine»?
Sylvia Plath est venue au monde à une toute autre époque. Pourtant, son histoire fait écho à celle de Nelly. Elles se sont toutes deux enlevé la vie au cours de leur trentaine, mais leurs mots sont surtout marqués par les mêmes obsessions. «Elles avaient le même regard sur l’existence et cette attirance pour les ténèbres qui émane de leurs œuvres respectives, observe Claudia Larochelle. C’est criant, vrai, sincère et lucide en même temps.»
Il est enrageant d’imaginer que ces deux femmes, dans leur lieu d’énonciation respectif, aient été constamment réduites au silence et à leur beauté. La tyrannie de l’apparence est d’ailleurs très présente dans leur œuvre, mais il y a plus à se rappeler d’elles. «C’étaient des femmes qui étaient avant tout des cerveaux, des femmes extrêmement intelligentes qui avaient du mal à se faire entendre et à être lues pour ce qu’elles avaient à exprimer comme écrivaines et philosophes.»
Valoriser leur héritage
À partir des mots d’Arcan et de Plath, Claudia Larochelle a créé un nouveau texte dont Alexia Bürger assure la mise en lecture. Il était important pour l’idéatrice de non seulement montrer leur force commune, mais de faire ressortir des enjeux actuels et universels. Parmi ces thèmes, on retrouve entre autres la maternité, la fascination pour la mort, la dépression, l’obsession du corps et la création. Des choses pour lesquelles les femmes mènent encore un combat quotidien, ce qui désespère Claudia Larochelle. «Je pense que c’est de mon devoir et le devoir de beaucoup d’autres, femmes comme hommes, d’embrasser ces textes-là, de les mettre en relief, de les remettre au goût du jour, de les donner en spectacle, de les faire revivre.»
Des progrès, il y en a eu. Par exemple, Nelly Arcan a sans doute eu plus de facilité à être publiée que Sylvia Plath, mais il reste encore des batailles à mener. «Aujourd’hui, on a encore la même pression sociale, on jette le blâme sur les femmes qui osent prendre la parole, aux femmes qui s’exposent, qui prennent de la place. L’intensité des femmes est souvent opprimée, ridiculisée. Leur sensibilité aussi, on a encore des préjugés quant à la dépression ou la maladie mentale.»
Combattre l’oubli
C’est Evelyne Brochu et Alice Pascual qui porteront ce collage de textes. Pour Claudia Larochelle, il fallait que ce soit des femmes qui puissent incarner ces figures fortes de la littérature contemporaine. Il fallait également qu’elles soient dans la trentaine, cet âge de grands bouleversements. «C’est quand même fondamental pour des femmes parce que c’est pas mal là que tout se joue, la carrière, la maternité, c’est là qu’elles peuvent être très fragiles et vulnérables et en même temps plus matures qu’avant. Il y a une espèce de lucidité. La naïveté est cassée à cet âge-là et je voulais que ça transparaisse.»
Avec cet hommage, Claudia Larochelle a l’impression de continuer la conversation et de retrouver les mots de Nelly Arcan. «J’ai besoin de m’y référer encore et j’aurai probablement besoin de m’y référer toute ma vie, parce que pour moi, Nelly était une grande sœur. Je l’admirais comme écrivaine. J’admirais énormément son intelligence et comme toute personne que j’admire, je veux m’y coller et m’imprégner.» C’est le cas avec toutes ses figures marquantes pour Claudia Larochelle. Et l’avantage avec les écrivains, c’est que leurs textes demeurent. Célébrer leurs mots, c’est faire en sorte qu’ils et elles échappent à l’oubli.
Nelly & Sylvia
à la Cinquième salle
dans le cadre du Festival international de littérature
les 20 et 21 septembre
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