Ying Chen : La rive est loin
Suite logique d’Un enfant à ma porte (2008) et Espèces (2010), La rive est loin s’assoit sur des allers-retours entre passé et présent, entre vies antérieures et vies fabulées, amour et indifférence. Pour la première fois, Ying Chen laisse parler l’homme, le mari, A., scientifique et archéologue cartésien victime d’un cancer qui lui fait perdre graduellement la vue. Sa parole alterne avec celle de V., la femme qui passe plus de temps dans ses souvenirs de ses vies antérieures – quand elle était une chatte, entre autres – que dans un présent qui finit par lui échapper.
Récit choral doublé de retours en arrière incessants, La rive est loin fixe le lecteur dans une fâcheuse incompréhension. Si l’auteure nous avait déjà habitués à ses univers envoûtants, d’une autre dimension, cette fois-ci, elle plonge carrément dans une trame multiple qui désarme plus qu’elle ne charme. A. et V. vivent côte à côte depuis des lustres, mais la maladie déclarée de A. les rapprochera sans que les deux parties ne l’admettent l’un à l’autre, vivant encore seuls ensemble dans un village qu’elle n’aime pas, dans une maison qu’il n’entretient pas, avec des ossements plein la cave et le souvenir d’un enfant disparu.
Si Ying Chen nous avait précédemment charmés avec des personnages étoffés, elle nous confond plus qu’elle n’intrigue, cette fois-ci, avec ce flou entourant A. et V. Chen appuie cependant sur la pédale de la métaphore sans retenue et offre cette beauté de tremblement de terre qui trompe la mort et ramène l’amour.
Éd. Boréal, 2013, 144 p.