Maxime Olivier Moutier : Rita tout court
Qui aurait pu prédire que l’auteur de Marie-Hélène au mois de mars, incontournable livre de chevet d’une génération qui s’est beaucoup et parfois spectaculairement gratté le bobo, se mettrait au service, 15 ans plus tard, de la voix d’une banale Rita, triste incarnation d’une classe sociale dont nous parvient habituellement le lointain écho qu’à travers les colonnes statistiques? Plus que jamais à l’écoute de la douleur des démunis, Maxime Olivier Moutier poursuit avec ce texte portant l’étiquette «pièce» (bien qu’il avoue en avant-propos s’être rendu à l’évidence qu’il serait impossible de la porter à la scène, ce dont on pourrait débattre) la réinvention inaugurée en 2011 avec le premier tome de la série La gestion des produits, une enquête sur la détresse endémique de notre époque.
Monologue résigné secoué par quelques spasmes de courage, Rita tout court fait retentir dans le silence de la pauvreté les confidences d’une femme fragile sur qui le sort s’est acharné (viol, drogue, maladie mentale). Marginalisée, Rita raconte entre deux corvées de ménage sa relation toxique avec Denis, ses enfants que lui ont arrachés les services sociaux et le bonheur que lui apportent ses animaux de compagnie. Moutier parvient ainsi à «traduire la poésie des gens qui parlent» sans condescendance, dans un joual parfois sublimé par de maladroits et poignants traits d’esprit, hommage pudique à la sagesse que lègue la vie en guise de prix de consolation à ceux qu’elle malmène le plus. Parce que les femmes qui peuplaient les drames de Michel Tremblay habitent toujours les quartiers gris de nos villes.
Éd. Marchand de feuilles, 2013, 104 p.