François Turcot : Mon dinosaure
Julie Ledoux et Dominic Tardif profitent de l’été pour affronter la pile de livres qui grossit sans cesse sur leur table du chevet. Retrouvez-les tous les mercredis (Tardif) et vendredis (Ledoux) de juillet au voir.ca.
Le dinosaure du titre, c’est le père. Pas un de ces pères absents, attendus ou fantasmés qui peuplent l’imaginaire québécois. Le père de ce quatrième livre de François Turcot (récipiendaire du Prix Émilie-Nelligan en 2009 pour Cette maison n’est pas la mienne) est un père qu’il faut à tout prix raconter pour ne surtout pas l’oublier, un père que la force de la souvenance pourrait garder en vie. «Du dinosaure, il ne resterait qu’un trou éteint dans la glace, qu’un soupir difficile à circonscrire, menant droit aux grottes de Saturne», craint le poète. «Un trou qui déjà contenait trop de distance.» On comprendra que c’est cette distance que Mon dinosaure ambitionne d’abolir en accumulant les preuves de son passage.
Construit à partir de différents matériaux (prose, vers, correspondance), Mon dinosaure catalogue une sorte de père-constellation, atomisé en plusieurs bribes de souvenirs passés au tamis d’une poésie qui mesure ses effets et craint plus que tout l’esbroufe. Un travail de rapiéçage que ne pourrait envisager Turcot sans une sérieuse dose de fiction et d’imagination, admet-il d’une certaine manière en adoptant le «je» de son père dans «Préhistoires» pour prendre la parole à sa place. Il s’agit de loin de la plus belle partie du livre, parce que le fils y cale sa voix sur celle de son dinosaure.
Plus qu’un simple livre sur le père, Mon dinosaure met en lumière l’essentielle part de fiction qui abreuve et façonne la mémoire. Parce que tout le monde – écrivain ou pas – doit un jour inventer le personnage qu’interprétera le père dans sa petite mythologie personnelle. Éditions La Peuplade, 2013, 184 p.
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Retrouvez dès demain Julie Ledoux qui a lu cette semaine le plus récent livre d’Alain Mabanckou, Lumières de Pointe-Noire.