Alain Mabanckou : Lumières de Pointe-Noire
Avec Lumières de Pointe-Noire, l’écrivain et professeur Alain Mabanckou effectue un retour au pays natal en 2012, 23 ans après sa dernière visite. Au cours des trois dernières décennies, sa mère, son père adoptif et plusieurs autres ont quitté ce monde et c’est en enfant du pays curieux et repentant qu’il se rend pour la première fois faire un «tour du propriétaire», tentant de rétablir la vérité, lui qui aura nié pendant des années le décès de sa mère, survenu en 1995.
Cette visite des lieux marquants de son enfance et de sa jeunesse le mènera à rencontrer de nombreux parents réels et liés par la fesse gauche, certains plus intéressés par l’argent que leur «frère» peut leur donner, lui qui a quitté le pays pour la France puis les États-Unis pendant si longtemps, laissant sa famille à elle-même.
Pourtant, Mabanckou, dans ce récit autobiographique, découvrira son pays, le Congo, sous un autre angle. Avec sa vision désormais plus occidentale, il ne sera plus aveuglé par les légendes et autres gris-gris. Il s’y laissera certes entraîner, mais toujours un pied à l’extérieur de la case. Témoin extérieur de changements profonds à Pointe-Noire et au Congo, il fera le tour de ses connaissances, du professeur de philosophie Monsieur Nimbounou, à sa grand-mère Hélène qui attendait la venue d’une femme blanche pour mourir.
Lent à démarrer, Lumières de Pointe-Noire propose cependant une seconde partie beaucoup plus dégourdie que la première, plus imagée et à la charge émotive plâtrée derrière un regard neutre. Illustré de photographies des éléments marquants de la vie de l’auteur version 2012, ce récit autobiographique revient aussi sur diverses parutions précédentes du principal intéressé, de Verre cassé à Mémoires de porc-épic. Ce va-et-vient entre ces oeuvres peut parfois agacer si l’on est peu familier de l’oeuvre – fort riche – de Mabanckou, mais reste généralement de bon goût et ne perd pas nécessairement l’intérêt du lecteur, lui qui préfère s’aventurer au cinéma Rex ou dans le quartier Trois-Cents, chez les prostituées ponténégrines et zaïroises.
Comparer ce récit à celui d’Aimé Césaire (Cahier d’un retour au pays natal) ou son contemporain et ami Dany Laferrière (L’énigme du retour), ne permet pas de saisir l’ampleur du destin du Congo, de Pointe-Noire, de ses habitants et de la famille élargie de Mabanckou. La manière et l’approche y sont fort différentes et le fond, lui, n’est que trop unique à chacun. Au fond, on apprécie ou pas, ces retours typiques de l’enfant prodige, tantôt voyeur, tantôt repentant, tantôt simplement amoureux de sa terre natale. Ce genre d’exercice littéraire très personnel peut comporter une certaine part de risque, mais s’il est bien maîtrisé, peut entraîner le lecteur aussi loin que l’auteur le souhaite. Mabanckou y parvient, certes, mais le vent ne se lève qu’en seconde partie, avec la «Dernière semaine» qui se fait plus expressive et où l’on retrouve ce qu’on est venu chercher, la «Première semaine» faisant plutôt le travail d’un état des lieux.
Avec le regard d’un cinéaste – les titres de ses chapitres en faisant foi, de même que l’observation continuelle, photographique, de ses pairs -, Alain Mabanckou scrute sa Pointe-Noire, sa vie d’avant, ses souvenirs. Portrait réaliste fait avec une retenue certaine, Lumières de Pointe-Noire invite tout de même au voyage, à soutenir du regard le temps qui file et s’effrite.