Sylvain David : Faire Violence
Sylvain David installe tranquillement la notion d’une certaine futilité dans le renouvellement constant de la lutte envers tout, avec Faire Violence.
Journal d’un révolté solitaire
En prenant un certain recul, Sylvain David observe ses années de contestation avec un regard à la fois critique, poétique et minimaliste.
Chaque bref chapitre se présente comme un point précis éclairé par une lampe de poche dans un noir qui l’englobe. L’exploit de Sylvain David est de maîtriser l’éclaircissement graduel de la scène, avec des phrases généralement très brèves, pour la plupart dénuées de verbes, installant par le fait même une certaine impression de gravité, d’intensité, de tension.
« Déjouer la surveillance. Ramper. Dans l’angle mort du poste de garde. Sous le nez des agents en présence. Progresser coude par coude. Au ralenti. Ne surtout pas se trahir par un geste subit. »
On y retrace les combats de rue entre factions révolutionnaires ennemies, on assiste à des passages à tabac que notre interlocuteur ne peut pas arrêter, on se fait mettre en souricière par la police, on évite de justesse des blessures graves tandis que des amis ne s’en sortent pas aussi bien, bref, on est aux premières loges d’une révolte constante dans les rues sombres d’une métropole active, d’une vie basée sur une éternelle confrontation avec des forces ennemies, qu’elles soient policières, criminelles ou intérieures.
« La surenchère des actions spectaculaires – et l’inévitable codification des moyens convoqués à cet effet – trahissent le caractère hautement allégorique de l’agitation urbaine. Elles en font une forme d’expression à part entière. Les revendications et les causes s’effacent au profit des images créées. Seule perdure l’impression forte d’un monde qui se fissure de l’intérieur. »
Sylvain David installe tranquillement la notion d’une certaine futilité dans le renouvellement constant de la lutte envers tout.
« Chaque camp exige l’autre. Ne peut se définir qu’en fonction de lui. Paradoxal ballet. Mouvement perpétuel de haine.
Et la neige continue de tomber. »
Le lecteur peut avoir l’impression d’une révolte irréfléchie chez l’auteur, « adolescent punk fasciné par la violence » comme le révèle le quatrième de couverture, guitariste de Banlieue Rouge dans les années 90. Mais nous sommes loin d’un demeuré valorisant la violence sans ambages : le traitement qu’il accorde à la révolte et à la violence va au-delà de l’analyse personnelle ou intellectuelle, elle est devenue académique. Professeur agrégé à l’Université Concordia, l’auteur s’est penché professionnellement sur Bérurier Noir, Houellebecq, Louis-Ferdinand Céline et Emil Cioran : un tel bagage intellectuel promet une lecture intéressante de ses jeunes années de violence. Et Sylvain David livre la marchandise avec un roman simple, rapide et dénué de complaisance ou de culpabilité exagérée envers un passé qui s’écrivait à coup de bottes dans la nuit.
DAVID, Sylvain, Faire Violence, XYZ – Collection Quai no5, 2013, 145 pages.