Marie-Anne Legault : Le Museum
Marie-Anne Legault est rédactrice scientifique de profession. Elle sait donc écrire, mais nous ne l’aurions certainement pas attendue en fiction. Encore moins avec Le Museum, un roman inclassable et, surtout, porteur d’une signature personnelle audacieuse et riche.
Une audace que l’on dénote aussi bien dans l’écriture que dans la trame narrative de ce texte, qui nous plonge dans une ère postapocalyptique. Mais ici, il n’est pas question de contrecoups d’une guerre nucléaire, chimique, de l’invasion de robots, de mutants ou de petits hommes verts (ou gris). Dans une ville sans âge mais qu’on devine assez contemporaine, une petite brume, un jour, est apparue. Puis, elle a disparu, pour revenir un peu plus dense. Et revenir encore, jusqu’à ce qu’elle ait envahi le ciel et se soit propagée jusqu’au sol. Un Grand Brouillard qui a rendu les hommes aveugles et les conduit lentement à la mort.
Spécialiste de l’histoire ancienne et « antiquiste » assumée, l’héroïne de ce roman se voit ainsi forcée d’étudier l’effacement de sa propre civilisation. S’amorce alors une grande enquête, ou plutôt une course contre la montre pour découvrir un étrange sanctuaire, Le Museum, qui renfermerait toute la mémoire de l’humanité. Mais en se guidant à l’aide d’une canne blanche et des indices de personnages incongrus, cette quête ne sera évidemment pas de tout repos. Pour l’héroïne comme pour le lecteur, d’ailleurs, car l’univers du Museum est totalement flou. Pas de repères géographiques ni temporels, de noms, de dates ni de lieux. Certains lecteurs pourraient perdre pied au fil des pages, c’est vrai, mais il serait dommage d’abandonner cet ouvrage à la croisée des genres. Ne serait-ce que parce que l’univers a priori sans queue ni tête de Marie-Anne Legault n’est pas sans en rappeler un autre qui nous a séduits en grand nombre : celui de Lewis Caroll, le créateur d’Alice au pays des merveilles.
Et aussi parce que l’auteure a réellement une plume racée, débordante de trouvailles dans la forme, comme l’utilisation de mots dans une grandeur de police différente ou en italique pour enrichir la lecture d’un aspect sonore, parfaitement approprié ici dans ce monde brumeux où il est plus facile d’entendre que de voir. Une initiative qui nous invite d’ailleurs à lire cette histoire tout haut, comme on le faisait autrefois, à l’image de la réflexion que ce roman porte sur l’histoire et la mémoire collective. Une première œuvre forte et une auteure à surveiller.
Éditions Québec Amérique, 2013, 231 pages