Philippe Arseneault : Zora, un conte cruel
En avez-vous assez des contes sirupeux et de la déferlante de mièvreries qui accompagnent les Fêtes? Nous avons ce qu’il vous faut! Ce roman, gagnant du dernier Prix Robert-Cliche, qui récompense des premières œuvres de fiction québécoises, est en effet l’antidote parfait au caractère gentillet du conte traditionnel que l’on nous sert en ce moment. Pour ce faire, plongeons dans l’univers repoussant de la Forêt des Fredouilles, aux confins de la Finlande telle qu’on aurait pu se l’imaginer il y a de cela quelques siècles.
Peuplée de personnages, réels comme fantastiques, vilains, sales, cruels et souvent fous à lier, on n’y imagine pas du tout la naissance d’un enfant. Et pourtant, c’est dans ce monde barbare que naît Zora, fille du peu recommandable tripier Seppo dans un coin de l’auberge qu’il tient, L’Ours qui pète, aussi lugubre et brinquebalante que le paysage qui l’entoure.
Zora est tour à tour centre de crachats sur une table à sa naissance, aide à faisander des tripes alors qu’elle est bébé, puis petite et jeune fille sauvage vivant plus au dehors qu’à l’intérieur – car elle y est constamment battue et insultée. Zora et son entourage sont prétextes à plusieurs contes dans lesquels le Mal sous toutes ses formes vole la vedette. Avec en prime une bonne dose d’hémoglobine, de viscères, de tortures et de cuisine des plus abjectes. Mais Philippe Arseneault a un tel talent qu’il réussit à nous faire poursuivre notre lecture.
Avec une qualité de langue et une érudition rares, Arseneault revêt sans peine le style du conteur avec toute l’exagération et la couleur que cet art exige. On découvre ainsi des personnages plus grands et affreux que nature, des lieux plus hostiles les uns que les autres, et des histoires totalement décalées qui excitent notre imagination et qui sont débordantes d’humour. On en oublie les gestes abjects, les tripes dégoûtantes, et on se régale de tant d’ingéniosité. Un brillant premier roman et un hommage vibrant aux contes nordiques.
Zora, un conte cruel
VLB éditeur
488 pages