Guillaume Pelletier : Mélasse
Le bédéiste Guillaume Pelletier nous embarquait, l’automne dernier, dans sa première BD impressionnante et riche, dans une Mélasse toute brune, opaque, visqueuse et dégoulinante : la vie, quoi.
À mi-chemin entre une BD jeunesse désarmante de fragilité et une BD pour jeunes adultes mal pris, Mélasse expose, avec brio, à la fois une certaine angoisse et un émerveillement impossible. Entre l’empathie, la folie et les joies, les peines, la maladie, les pleurs et autres bouleversements se faufilent. En bout de ligne, simplement l’absurdité de la vie, bien entendu, survit.
Dans les tons de noir et de blanc, le gris s’avance, triste et flou. Pelletier parvient à faire entrer, dans toutes ses cases et même dans ses phylactères, un petit côté angoissant, qui prend à la gorge. En exemple, la première histoire, intitulée Nuit, où une jeune fille projette son cancer – on l’imagine – sur son ourson, Persil, jusqu’à ce qu’elle doive bien rassurer le toutou sur son avenir. Impossible de mentir et d’affirmer que les larmes ne montent pas aux yeux, à cette lecture. Ou encore, la séparation de Marie et Simon, dans « Qu’est-ce qui s’est passé? », qui prend au coeur par son côté vrai et sensible, jumelé à l’absurde du dessin.
Le ton se fait parfois plus léger, dans L’éparpillé ou La petite cuisine et Notes de bas de page pour la petite cuisine. On découvre aussi le Cthulhu, l’intimidé spleenesque qui n’a droit qu’à deux cases. Mais avec Les cheveux ou La cachette, retour à la maladie et à la dérision frôlant la peur. Pelletier parvient à créer ce passage qui nous amènera au plus profond de l’âme des personnages. Ça fait peur, bien sûr, et ça angoisse, mais la véracité des histoires et des propos demande à ce qu’on s’attarde longuement aux histoires proposées.
Solitaires, isolés, prisonniers, les personnages de Guillaume Pelletier demeurent coincés dans cette Mélasse qu’est la vie, jusqu’à la fin, jusqu’à la toute dernière case qui est tirée d’une histoire qui s’accompagne fort bien d’un mouchoir tant elle est attachante, belle et tristounette.
Mélasse
Guillaume Pelletier
L’oie de cravan
54 pages
Octobre 2013