Pascal Millet : C’est dans la poche
Tout le monde ne maîtrise pas l’art de l’absurde. Beaucoup d’humoristes, par exemple, se servent de ce support, mais ne parviennent pas à aller chercher la satire sociale en arrière. Voilà pourquoi Pascal Millet, qui n’en est pas à ses premières armes littéraires, mais qui ne nous avait pas toujours conquis avec ses précédents ouvrages, a vraiment frappé fort avec C’est dans la poche.
Ce petit roman nous transporte dans une société (pas si fictive que cela) dominée par un monopole économique/dictateur/destructeur de consciences répondant au doux nom de Moâ – on apprécie déjà le jeu de mots, à la fois clin d’œil à l’individualisme et à un certain dictateur asiatique, en plus d’être à l’origine de beaucoup de confusions dans les dialogues tout au long de l’histoire. Dans ce monde où tout, du sandwich jambon-beurre aux chaussures et des télévisions aux trous, appartient à Moâ, et où plus rien, ou presque, n’est naturel ni sain (il pleut par exemple des enclumes, et le goudron se transforme en torrent par moments), un homme sans envergure et un brin niais (un simple lecteur d’offres d’emploi) est envoyé par Moâ en mission de vérification d’entreprises. Mais il se retrouve plutôt à bord d’un dirigeable mené par des cigognes, avec pour tout équipement un manteau en poils de chameau à poche magique et pour compagnons des opposants, animaux ou humain, au système d’exploitation planétaire. Bien sûr, rien ne se passera comme prévu et toute une aventure attend notre anti-héros et ses comparses en l’air, en mer et sur terre, jusqu’à ce que tous fassent fi de leurs différences et qu’épaulés par des kangourous, ils renversent la dictature de Moâ en attaquant sa tour de verre de 356 étages.
Que ressort-il de cette histoire débridée? Eh bien, chapeau tout d’abord pour la narration maîtrisée et le soin apporté aux personnages, caricaturés à l’extrême mais crédibles. Saluons aussi l’auteur pour sa satire de l’hyperconsommation et de la mondialisation, tout à fait pertinente sous des abords légers. Et enfin, remercions-le pour les rires que cette lecture a régulièrement provoqués, parce qu’après tout, lorsqu’on le fait intelligemment, on peut vraiment se moquer de tout, même du pire.
C’est dans la poche
Pascal Millet
Éditions Hurtubise
152 pages
Janvier 2014