Philippe Girard : La grande noirceur
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Philippe Girard : La grande noirceur

Plein de promesses, le 15e bouquin du bédéiste Philippe Girard a tout pour attirer l’attention des chauvins, des amoureux de Québec qui n’y résident pas forcément, des historiens de formation ou de cœur. Parler de l’histoire de nos grands-parents – ou parents, ça dépend de votre année de naissance – c’est forcément quelque chose de puissamment rassembleur.

Sombre dans leur palette de couleurs (ça allait de soi!), les planches de La grande noirceur font évidemment référence à la triste période qui a précédé la Révolution tranquille. À cette époque où le clergé exerçait une pression constante sur les petits Canadiens Français au jour le jour. Les mêmes qui était forcé à combattre les méchants allemands pendant la Seconde Guerre mondiale.

On se surprend, tout de même, de n’y lire aucun passage sur le premier ministre de l’époque, Maurice Duplessis sorte de Darth Vador de la politique québécoise. Avec le nom de l’éminent historien et blogueur Jean Provencher inscrit à la page des remerciements, on était en droit d’espérer davantage d’anecdotes croustillantes sur l’urbanisme, sur la vie des gens de la Vieille Capitale à cette époque, et les procès qui s’y tinrent. L’accent a plutôt été mis sur la recherche visuelle, la récolte de photos d’archives. Les lieux recréés par l’illustrateur ont tout de la carte postale d’époque et c’est aussi ce qu’il réussit le mieux au niveau pictural. Rien à voir avec ses personnages aux traits naïfs et somme toute assez minimalistes qui peuplent ses pages.

C’est vraiment la religion qui est au centre de cette histoire d’amour mettant en vedette une vieille fille italienne éprise d’un mystérieux jeune homme dans le coma. Chaque jour, mademoiselle quitte le modeste appartement occupé par elle et sa mama pour aller lire des versets de la Sainte Bible au beau Albert. Peu à peu, un désir charnel grandira dans le coeur de la bonne petite catholique tourmentée par ses pêchés.

D’ailleurs, la culpabilité liée au sexe est présentée de façon juste malgré quelques phrases convenues à la « pourquoi tout ce qui est interdit est toujours aussi attirant? » La plupart du temps, heureusement, l’auteur met les mots des autres dans la bouche de ses personnages. Ceux de Baudelaire, Flaubert et Zola pour ne nommer que ceux-là. Une bonne idée et un clin d’œil franchement sympa aux œuvres de ces magiciens de la littérature qui avaient été mises à l’index par le Vatican.

La grande noirceur est une bande dessinée courte, mais au récit un peu redondant, qui ne passera probablement à l’histoire mais qui offre un agréable divertissement et (surtout) un porte-voix aux immigrants italiens des années 30. Une idée noble en soi.

La grande noirceur

Philippe Girard

Mécanique générale 

2014

87 pages

La grande noirceur
La grande noirceur
Philippe Girard
Mécanique générale