Sous la direction de Stéphane Dompierre : NU
Stéphane Dompierre réunit une dizaine d’auteurs – pour la plupart de la relève, mais quelques-uns aussi ayant plusieurs années de carrière littéraire derrière la cravate – autour de la thématique de l’érotisme. Avec 16 nouvelles, on tire un peu l’élastique du terme «érotisme»: on y aborde le sujet de toutes sortes de manières et d’angles, ce qui est une bonne idée, donc, que de rassembler toutes ces différentes voix dans un recueil puisque cela révèle toute une palette de désirs: les personnes fantasmées sont multiples, par exemple, et les façons de se faire plaisir aussi.
Certains auteurs effleurent l’érotisme délicatement – à grands coups de sabots dans le cas de Marie Hélène Poitras (Chasseurs sauteurs) alors que d’autres en profitent pour plonger dans un récit trash – où de jeunes filles troquent des pipes pour des places de spectacle (Miléna Babin, Opération Commando). Stéphane Dompierre, lui, s’imagine un monde hypersexualisé où l’on diffuse en direct sur les réseaux sociaux nos baises. Espérons qu’on ne se rende pas là…
L’érotisme de NU navigue aussi d’un romantisme poétique d’une chaude liaison hivernale (Charles Bolduc, Un glaçon entre les dents), à la découverte et l’exploration de son corps sur fond de fin du monde (Sophie Bienvenu, Quelques heures avant la fin, ou le potentiel de Juliette).
Les passages de sexualité dans les nouvelles se ressemblent parfois, côté vocabulaire, et on excuse certains passages qui sonnent un peu cliché ou faux puisque ce n’est pas dans le registre d’écriture habituel de la plupart des auteurs ici présents.
Si je dois nommer mes trois étoiles, je les donnerais à trois nouvelles consécutives de NU:
1. Roxanne Bouchard (Un moment d’égarement) mêle sexe et politique dans cette nouvelle sous forme de lettre envoyée d’une dame à son mari, s’excusant d’avoir exploré sa sexualité avec sa thérapeute, pour le bien de leur couple. On y lit entre les lignes un certain plaisir à mêler la sodomie et le conservatisme. Le pari est réussi: malgré le malaise, c’est délectable.
2. Guillaume Corbeil (Le passager) propose un récit où le désir est plutôt onérique. Dans la pénombre, un autobus file en direction de Winnipeg. Un homme aperçoit, dans le reflet de sa fenêtre, sa voisine d’allée qui se masturbe. L’auteur joue ici habilement avec l’imaginaire, les fantasmes. Le récit est doté d’une subtile perversité alors que le temps semble s’être arrêté, entre Montréal et Winnipeg.
3. Véronique Marcotte (J’ai des comptes à régler avec toi, jeune fille) explore une idée intéressante et un peu troublante: et si le désir avait une date d’expiration? On rencontre Valaire, un amant merveilleux mais très vieux. Son corps n’a plus beaucoup de jus pour faire jouir l’autre. Son amour pour la «jeune fille» du récit est camouflé mais la tension sexuelle entre les deux est tout à fait palpable. Ça donne de merveilleux passages comme celui-ci, qui m’a jetée par terre: «Laisse-moi descendre ma bouche entre tes cuisses que je puisse emporter avec moi le parfum de ta chatte lorsque je serai six pieds sous terre.» Oh là là!
Est-ce que la lecture de NU donne chaud? Oui, mais disons que les préliminaires sont un peu longs, par moments.
Les auteurs qui complètent le recueil: Nancy B. Pilon, Isabelle Massé, Matthieu Simard, Eza Paventi, Patrick Senécal, Chloé Varin, Geneviève Janelle et Guillaume Vigneault.
Vraiment hâte de le lire en tout cas. J’aime déjà beaucoup Véronique Marcotte. Et les nouvelles érotiques encore plus :) J’ai découvert un site de nouvelles (certaines érotiques) récemment, Les fantasmes de la disparition pas mal du tout. Peut-on trouver le livre Nu dans toutes les librairies? M.