Éléonore Létourneau : Notre duplex

«C’est assez facile de tomber amoureux quand on est quelqu’un et qu’on fait quelque chose.»

Ce n’est pourtant pas le cas de Véronique, cinéaste aux projets qui n’aboutissent pas, photographe de plateau à temps plus que partiel, amoureuse plus tellement transie, à la recherche d’elle-même et d’une quelconque orientation à sa vie. Elle s’échappe: du quotidien, de son copain, de sa meilleure amie à qui tout réussit, du vide professionnel qui l’attend tous les jours. Sur un coup de tête, elle s’envole pour Paris, revoit une connaissance d’un autre temps, revient bredouille, et défait tout ce qui s’était construit depuis l’emménagement dans ce duplex en apparence solide et chaleureux.

Avec une certaine morosité soutenue, Éléonore Létourneau évoque le parcours de Véronique, post-printemps 2012, en pleine Commission Charbonneau, et en cours de débandade culturelle. Rien pour rassurer l’héroïne déchue, créée par Létourneau.

Malgré l’insatisfaction ambiante, le déclin de son amour, de ses amitiés et de ses projets, on suivra attentivement Véronique, on la comprendra dans ses démarches trop impulsives – ou pas assez. Éventuellement, elle agacera le lecteur, avec sa stagnation et son refoulement, ses blessures subies et auto-infligées. Mais toujours, on la suit.

«Assez de tous ces gens qui ne peuvent faire autrement que de me demander chaque fois ce qu’il y a de neuf et ce que je fais de bon, alors qu’il n’y a rien de neuf et que je ne fais rien de bon.»

C’est que le mal qui ronge Véronique est celui que tout un chacun vit, un jour ou l’autre. Et Létourneau, avec la simplicité de son écriture, nous le rend honnêtement, sans pitié.

Tout en retenue, ce premier roman est fort réussi et laisse croire que le meilleur est à venir, pour Éléonore Létourneau. L’auteure gagnerait à plonger tête première dans un monde qui lui est moins familier, question de se mettre un peu en danger, pour laisser exploser son style plutôt sobre.

Notre duplex

Éléonore Létourneau

Collection Quai n°5

Éditions XYZ

2014

168 pages