Frédérick Lavoie : Ukraine à fragmentation
Il y a un an de cela, le journaliste indépendant Frédérick Lavoie assiste aux funérailles d’Artyom, 4 ans, à Donetsk en Ukraine. Il y voit un cercueil trop petit pour un conflit trop grand. Alors sur place pour couvrir cette guerre ayant éclaté au cœur du pays, il tentera de comprendre comment une roquette a pu venir s’échouer dans le salon de ce dernier.
Dans Ukraine à fragmentation, Lavoie s’adresse au jeune Artyom. «Il va de soi que tu ne méritais pas de mourir. Tu mérites au moins de savoir ce qui t’a valu la mort.» Au détour de cette lettre, ce sera tout le conflit ukrainien qui sera mis en lumière par l’enquête que l’auteur mènera. Il ne se contentera pas des mascarades que peuvent être les conférences de presse menées par les différents partis, c’est plutôt dans les bars et les cafés, entre l’hôpital et la morgue, qu’il rencontrera ces gens qui, comme autant de fragments, construiront pour nous l’Ukraine éclatée dont il est question.
À travers différents témoignages tantôt assombris par le deuil, tantôt grisés par l’alcool, l’auteur parvient à tisser les tenants et aboutissants d’une guerre qui n’a rien de simple. Évitant les généralisations hâtives inhérentes à ce genre d’entreprise, l’écriture est à la fois grandiose et retenue, avec l’urgence de dire et le respect du deuil. Tel un metteur en scène, Lavoie est là, dans l’ombre, laissant les différents acteurs s’exprimer, s’expliquer, sauf qu’à la fin, le rideau ne tombera pas et les morts resteront tapis au sol.
Ukraine à fragmentation, Frédérick Lavoie, La Peuplade, 264 pages