Carl Béchard

J’ai plongé dans le bain de l’impro pour dédramatiser l’angoisse de la page blanche. Comme plusieurs je crois, je me suis vite rendu compte qu’improviser sur papier et sur glace sont deux choses bien distinctes. L’une prend tellement d’énergie qu’il n’en reste plus pour l’autre. Et il ne reste rien de l’une –à moins de revoir les matchs- alors qu’on peut construire à partir de l’autre. L’une est irréversible, l’autre, jusqu’à un certain point, réversible.

L’impro LNI est “une game de j’aurais-dû”. Quand on revoit les impros de la soirée, on se dit de manière un peu compulsive: “j’aurais pu, j’aurais dû faire ci au lieu de ça, répondre ceci ou lieu de cela, etc…” Mais d’imaginer qu’on l’a fait comme on aurait “dû” et de se projeter dans le futur proche du prochain match à faire ce qu’on “aurait dû”, aidait parfois à corriger, pour peu que le thème et les circonstances imprévues y contribuent.

Or, l’impro LNI est un “sport théâtral” où le jeu de la compétition consentie est la clé et la règle. Il ne faut pas le prendre trop au sérieux. Il ne faut pas le prendre trop à la légère non plus. Il  faut vouloir gagner et avoir peur de perdre. Il faut jouer avec l’autre en faisant presque semblant de jouer contre. Ça s’apprend et ça se cultive.

Mes cinq années à la LNI m’ont appris, en tant que joueur “aux éclats espacés”, le meilleur et le pire et tout l’entre-deux de ce jeu et de ce que “gagner” veut dire. “Gagner le match”, c’est mettre la compétition au service de la création, se dépasser grâce à l’adversaire, et arriver à goûter davantage la victoire de l’impro lors de certaines “défaites” que la défaite de l’impro lors de certaines “victoires”.

Pendant trois de ces cinq années, j’ai fait partie de l’équipe de l’inventeur du jeu, le grand Robert Gravel. En plus de deux tournées d’”exhibition” en Europe francophone, et des deux premières Coupes du Monde de l’Impro (la première, gagnée au Québec contre la France, la deuxième, perdue en France contre la France.)