Francine Ruel
40 ans de L.N.I
« Tam-tam, tam-la-tam, tam-la-ta-tam, tam-tam…» ce «cri» de guerre et de joie, mélangées, tapé avec la main contre la bande, je l’entends encore aujourd’hui résonner dans mon ventre, même après 40 ans. J’ai les mains moites, mon cœur s’affole, j’ai un hamster qui circule à la vitesse grand V dans mon cerveau, malgré cela, il y a en moi une large part d’excitation. Je m’accroche à la voix de Pierre Martineau et à sa «Feuille d’érable», je m’appuie sur « la tête à claques » et le professionnalisme d’Yvan Ponton et je tente de puiser dans l’imaginaire de mes coaches de l’époque, soit Michel Garneau ou Pierre-Jean Cuillerrier.
C’est le premier match d’un jeu auquel nous a convié un beau grand fou, Robert Gravel. Après le classique : « Ça bardait ce soir-là, chez Clémence», l’arbitre tire une improvisation comparée, 2 joueurs. Je ne me souviens ni du titre, ni de la durée, mais j’ai la chance de la jouer avec Claude Laroche. On réussit, à la fois à construire une belle histoire, à faire rire et à émouvoir. Ce plaisir sera maintes fois répété. Au cours de mes 7 années à titre de joueur, j’ai des souvenirs de grands improvisateurs. Lorsque Yves Jacques ou Robert Lepage ou encore Michel Rivard sautaient sur la patinoire, seuls ou en compagnie d’autres joueurs ou contre eux, on pouvait s’attendre aux plus hauts sommets d’invention. Comment oublier Yves Desgagnés – que Michel Garneau qualifiait de « fontanelle» tellement son imaginaire voyageait « à l’ouest», qui faisait des étincelles. C’était tellement jouissif même si tout le monde n’en saisissait pas le sens. Et comment qualifier les feux d’artifice des Pierrette Robitaille, Sylvie Potvin, Michèle Deslauries, Marcel Leboeuf, Normand Brathwaite ?
À ce sujet mon plus beau souvenir demeurera à vie la première tournée en Europe : Bordeaux, Marseille, Poitiers, Lille; des villes accueillantes et d’extraordinaires rencontres avec de nouveaux improvisateurs fous et excités de découvrir ce jeu. Finalement Paris où coatches et joueurs voulaient changer toutes les règles au grand désespoir de Robert Gravel. Je n’oublierai jamais les ateliers que je donnais en compagnie de Robert. Les débuts étaient difficiles. À titre d’exemple : Improvisation comparée, qui a pour titre : Le désert. Nombre de joueurs : illimités, durée : 5 minutes.
Du côté des parisiens, on prend un temps fou à s’installer, on fait la mise en scène au lieu d’entrer dans le jeu: « On aurait chaud. Toi tu vas faire ça et toi ça. Et tu pourrais dire ça ou ça et moi je vais te répondre ça. Puis ensuite on pourrait…. Le sifflet retenti. Fin de l’impro pour cette équipe. Les Québéçois, avec à leur tête Normand Brathwaite sautent sur la glace. En l’espace de 5 minutes, il y aura une tempête de sable, deux morts, un chameau qu’on déguste pour ne pas mourir de faim, la découverte d’un trésor… VOILÀ !
L’impro a changé ma vie, l’impro a bonifié mon métier. Grâce à ça j’ai pu me retrouver animatrice à la radio et à la télévision d’émissions en direct sans avoir trop peur et sans presque jamais perdre mes moyens. La LNI m’a donné confiance et m’a appris à me sortir de toutes les situations la tête haute et le cœur joyeux d’avoir puisé dans ce monde infini qu’est l’imagination.
Merci Robert.