Michèle Deslauriers
Nous sommes à l’automne 1977 mon amie Josée La Bossière me parle d’un jeu d’improvisation inventé par Robert Gravel et Yvon Leduc inspiré du hockey, une glace, des joueurs, deux coachs, un arbitre. Ils sont à la recherche de comédiens, j’accepte donc moi aussi de me lancer dans cette bizarre aventure.
On nous explique les règlements et tout le groupe se lance dans une première soirée, au petit théâtre en haut du restaurant « La Maison Beaujeu », sur la rue Notre-Dame.
La salle est pleine à craquer et le sera pour toute la saison d’automne, on fait la queue dehors chaque semaine, parfois sous un froid intense, c’est la folie !…
La première soirée juste avant de commencer, une camarade me dit « Je panique, on n’a pas de texte… » Je lui répond « Mais non, on fait ce que l’on veut, c’est merveilleux !… » Pour moi, qui n’a jamais eu une super mémoire, je le ressent comme une liberté totale.
Je me souviendrai toute ma vie de ma première improvisation ce soir là, dont le titre était : ¨le triangle¨, avec Josée La Bossière, Ghyslain Tremblay et …une vrai pomme. La convoitise de cette pomme que l’on s’arrache et mange à tour de rôle, des alliances se forment, à la fin, il ne reste que le cœur de cette pomme que l’on essaie de m’arracher. Je le mange, je brandi la queue de la pomme en guise de victoire et le sifflet au même moment retenti ! C’est la fin de ce 5 minutes d’impro, quel timing ! En moi-même je me dis « Quel jeu extraordinaire et quelle sensation de liberté, ce jeu va aller loin, va perdurer ! »
À la fin de cette saison en décembre, je n’oublierai jamais non plus ma dernière impro, le thème était : ¨ la pleine lune¨ une joueuse avait le rôle d’une femme enceinte, je l’étais moi-même, vraiment enceinte de 5 mois de ma fille Caroline. Je dis rapidement à mon coach « Je veux faire le bébé qui sort de son ventre… » Il me donne le ok, je saute sur la glace, me glisse entre les jambes de la joueuse et en sort en roulant en boule, le bébé était né…ce fût une impro magique et poétique étant moi-même enceinte je venais de vivre ce que vivrait bientôt mon enfant…
La 1e tournée européenne avec tout le groupe en 1981 fût aussi mémorable, que de plaisir à faire découvrir ce jeu magnifique aux français qui l’ont accueillit avec entrain.
Mais ma la plus touchante pour moi, fût l’année de la dernière participation de Robert au jeu, avant sa mort. J’avais le bonheur d’être dans la même équipe que lui, nous jouions à 23h le vendredi soir et on se rappelait ensemble, en vieux vétérans, pleins de souvenirs…
Quelle chance j’ai eu de côtoyer ce ¨Maître¨ de l’impro, cet être unique, si talentueux, à l’imaginaire débordant et subtil…
On dit que toutes ces histoires imaginées ne durent que le temps d’une impro mais comme disait Robert : « Tout cela nous semble éphémère mais en fait l’histoire continue et poursuit son chemin dans l’univers… »
Et bien toi, cher Robert, qui est maintenant là bas, reçoit en bouquet toutes ces belles improvisations sortis des cœurs de tous ces joueurs passionnés…
Un immense bravo à toi Yvon, qui porte encore sans relâche depuis 40 ans, le flambeau et garde avec tous tes complices, la L.N.I. si vivante, tu as toute mon admiration.
Un grand MERCI à vous deux, vous m’avez fait vivre ainsi qu’à tellement de monde, une des plus belles aventures de l’imaginaire…et ça continue…longue vie !