Zoomba AKA Daniele Letourneau
C’était, je pense, ma première année à la LNI, pendant la guerre en ex-Yougoslavie. Le thème ? Le journal d’Anna, il me semble. Journal… Anna. Anne Frank : OK, go, j’y vais.
J’ai donc la fausse bonne idée de me retrouver enfant, à Sarajevo, dans une cave, coincée par un « sniper » de l’équipe adverse. La menace réelle ? L’impro s’enligne pour être plate.
Mais le casque bleu Robert Gravel surgit en tank de l’autre côté de la patinoire pour venir me sauver. Sans se gêner pour commenter le fait que je me suis « peinturée dans le coin », le caporal Gravel me fait monter derrière lui et on traverse la ville en flammes. Comme on écrase une église en chemin et que malgré tous les efforts du père de l’impro québécoise, l’histoire n’est pas tellement meilleure, je m’écrie, pour meubler le silence : « Seigneur ! Pardonnez-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font! »
Le caporal Gravel se retourne vers moi et, juste assez fort pour que je l’entende, me dit en martelant chaque syllabe : « Mon Dieu que tu es niaiseuse ». Et croyez-moi si vous le voulez, à ce moment-là, ces mots-là ont résonné comme un des plus beaux compliments de ma vie.
Après, j’ai passé plus de 14 ans à la LNI, j’ai participé aux tournées en Europe, aux évènements spéciaux, joué pour la télé. « À force de », j’ai même réussi à jouer quelques bonnes impros. Pourtant, c’est cette improvisation-là qui me revient toujours : ça doit être parce qu’elle est symbolique. Robert Gravel qui nous sauve de l’ennui, nous force à affronter « l’ennemi », notre pire ennemi intérieur : Monsieur Doute, celui qui parvient à nous terrifier autant qu’un sniper. Ça a été dit souvent, alors je vous le chante : l’impro m’a sauvée, libérée de mon « siège » intérieur.
Je suis niaiseuse, je suis brillante, je suis Anne Frank, je suis la Bolduc, je suis Marie Curie, je suis Maryam Mirzakhani, je suis moi et un peu toi aussi. Je suis libre parce que j’ai été libérée. Merci à vous tous, amis.