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Progrès stupéfiant(s) !

La semaine dernière, le joueur Jason Rollins de la NBA déclarait publiquement son homosexualité. Une grande partie de la discussion engendrée concernait la pertinence d’en faire une histoire médiatisée. En d’autres mots, qu’il s’agissait d’un truc banal, en soit non-controversé et qu’aucun félin ne devrait être flagellé pour si peu. Moins de 10 ans après l’acceptation du mariage gay au Canada et le rejet des lois anti-sodomie aux États-Unis, il y a eu une gigantesque progression.

Et parlant de progression, hier se déroulait la 14ème marche mondiale pour la légalisation du cannabis. Outre l’homosexualité, le contrôle des drogues est probablement l’une des questions à avoir le plus évolué aux niveaux politique et public dans les dernières années. Et pour le mieux !

Bien qu’il ait longtemps été de notoriété scientifique que la répression criminelle de l’usage des drogues n’est pas efficace, la classe politique a été extrêmement méfiante par rapport à un tel constat. Par exemple, en 1995, un rapport de l’OMS critiquant la répression de l’usage de la cocaïne et  suggérant sa décriminalisation se voyait censuré sous peine de représailles budgétaires de la part des États-Unis.

Puis en 1999, le Portugal, aux prises avec les pires problèmes de consommation de drogues en Europe, décidait de la décriminaliser complètement. La consommation de drogues passait d’offense criminelle à offense administrative. En gros, un individu peut détenir une quantité de drogue suffisante pour 10 jours de consommation sans qu’il s’agisse d’un « crime ». Au lieu de risquer la prison et l’opprobre, le consommateur reçoit une amende (un peu comme un ticket de vitesse), et doit  composer avec un comité incluant un travailleur social, un psychiatre et un avocat. Des mesures criminelles restent néanmoins en place pour les trafiquants.

L’idée directrice de l’expérience portugaise était d’encourager activement les utilisateurs à se faire traiter, plutôt que de simplement punir l’usage des drogues. Et l’expérience semble avoir été concluante: en 2008, il y avait 4 fois plus d’inscrits à des programmes de traitement qu’en 1999; l’usage de toutes les drogues (sauf l’héroïne) a baissé dramatiquement; les taux d’infections du VIH ont aussi grandement baissé.

En 2009, le très conservateur Cato Institute, à Washington, chef lieu de la guerre contre la drogue, a fait l’éloge du programme portugais dans un rapport qui a fait le tour du monde.

Dans plusieurs villes du Canada, les Tribunaux de traitement de la toxicomanie permettent aux accusés pour des infractions liées à la drogue d’obtenir des soins au lieu d’aller en prison, en échange d’un plaidoyer de culpabilité. Au Québec, le Programme de traitement de la toxicomanie sous surveillance judiciaire encourage les juges à faire preuve de magnanimité en permettant le report du prononcé de la sentence, le temps qu’un contrevenant puisse suivre un
traitement pour mettre fin à sa dépendance.

En 2011, le centre d’injections supervisées Insite de Vancouver a reçu l’aval constitutionnel unanime (!) de la Cour suprême. Le centre permet à des addicts de s’injecter de l’héroïne en présence d’infirmiers et avec de l’équipement sécuritaire. Essentiellement, la Cour a alors affirmé que la fermeture de Insite porterait atteinte au droit à la sécurité de ses utilisateurs. Des centres d’injections similaires ont lieu au Danemark, et il est actuellement question d’ouvrir de tels centres au Royaume-Uni.

En 2012, aux États-Unis, l’État du Colorado adopte une proposition visant la légalisation de la marijuana. Le gouvernement du Colorado a mis sur pied un comité pour s’assurer que l’application de la proposition ait lieu, de manière harmonieuse avec les lois américaines fédérales.

Toujours en 2012, le parti Libéral du Canada a récemment fait de la décriminalisation du cannabis l’une de ses 7 priorités politiques.

Même le gouvernment Conservateur, lors de sa réforme des sentences criminelles, n’a pas osé (ou n’a pas pu?) rendre les lois plus sévères pour la possession simple, donc la possession de drogues à fin de consommation. Dans tous les cas, qu’un de nos gouvernements les plus bornés en termes de justice criminelle n’ait pas le capital politique pour punir davantage la consommation de drogues est révélateur. On peut espérer la décriminalisation pour bientôt.