À chaque fusillade aux États-Unis, on trouve pathétique l’incapacité des parlementaires américains à ouvrir un débat sérieux sur le port des armes. Les militants pro-guns se cambrent : aucune discussion de régulation ne serait acceptable !
Bof, on peut toujours se dire que l’obstination de ces militants vient du fait qu’ils n’ont pas d’arguments valables. Il est donc évident qu’ils profitent de l’absence de tout débat…
Pourtant, dans le contexte de l’avortement, on assiste ici à la même rhétorique de la part des militants pro-choix et ce, malgré qu’il existe des arguments très valables pour défendre leur position dans un éventuel débat. Les pro-choix n’en démordent pas : pas question d’ouvrir un débat sur l’avortement.
Pro-guns, pro-choix : même combat ?
Il n’y a jamais eu de véritable débat public sur l’avortement au Canada. Le régime actuel est plutôt le fruit de décisions de la Cour suprême.
Dans beaucoup de pays, les femmes ont accès à l’avortement mais doivent faire homologuer leur choix par un comité de médecins (souvent, après un certain délai de grossesse). C’était le cas au Canada avant : pour se faire avorter, les femmes devaient obtenir l’autorisation d’un comité hospitalier. Néanmoins, comme certains hôpitaux étaient plus conservateurs que d’autres, dans la pratique, l’avortement n’était pas accessible à tous. Pour ces raisons, la Cour suprême a décidé d’invalider le recours à ces comités en 1988. Bien fait.
Depuis, les parlementaires n’ont jamais pu s’entendre sur une loi. De leur côté, les juges ont renforcé les droits des femmes, notamment en affirmant que le père n’avait aucun mot à dire quant au déroulement de la grossesse, qu’une mère n’avait aucun devoir envers son fœtus, etc.
Résultat net : il n’y a aucune régulation sur l’avortement au Canada. Aucune.
Légalement, un médecin peut donc procéder à l’avortement jusqu’au moment qui précède la naissance.
Dans les faits, c’est l’expertise du médecin qui détermine l’accès à l’avortement. Par exemple, sur l’Île-du-Prince-Édouard, aucun médecin ne pratique d’avortements chirurgicaux ; seuls les avortements chimiques sont disponibles (donc tôt dans la grossesse). Au Québec, il n’y a pas de médecins ayant l’expertise pour interrompre une grossesse après 24 semaines, les cas extrêmes sont envoyés ailleurs.
Par ailleurs, la grande majorité des pays ont des règles de base pour encadrer l’avortement.
En France, l’avortement est totalement libre jusqu’à la 10ème semaine. Par la suite, la patiente doit consulter deux médecins attestant d’un risque grave si la grossesse est poursuivie.
En Suède, l’avortement est totalement libre jusqu’à la 12ème semaine. Entre la 12ème semaine et la 18ème semaine, la patiente doit d’abord consulter un travailleur social. Après la 18ème semaine, la patiente doit obtenir l’autorisation d’un comité.
Au Royaume-Uni, l’avortement est totalement libre jusqu’à la 24ème semaine. Il doit avoir lieu dans un endroit approuvé (clinique, hôpital, etc.), sauf dans les cas d’urgence.
Tout ça pour dire qu’il existe plusieurs régimes encadrant l’avortement qui semblent raisonnables. Régulation n’égale pas forcément restrictions-indues-des-droit-des-femmes.
On peut bien penser qu’effectivement, l’absence totale de régulation qui prévaut actuellement au Canada est préférable. Discutons-en ?
Être pro-guns, c’est en quelque sorte promouvoir une certaines forme… d’avortement!
Sur le coup, je dois avouer que le titre de votre billet m’a fait sourciller, mais en fait vous avez d’excellents points. Je me considère comme tout à fait pro-choix mais je serais tout à fait à l’aise de discuter des questions que vous évoquez pour encadrer la pratique de l’avortement, qui est tout de même un geste sérieux qui ne doit pas être pris à la légère. Et devrait, selon moi, être le plus rare possible (comme le disait Hillary Clinton: safe, legal and rare).
Le problème actuel est que ceux qui réclament le droit de débattre sont pour la plupart de la mouvance évangélique ou « born-again christian » et leur prétendue volonté de « débattre » de la question n’est qu’un masque sur leur détermination à rendre l’avortement de nouveau illégal partout au Canada. Il ne faut pas s’y tromper. Ils ne veulent pas discuter des points que vous évoquer. Ils sont aussi anti-gais (pas juste anti-mariage gai, il y en a qui voudraient recriminaliser l’homosexualité), anti-contraception et contre toute forme d’éducation sexuelle qui ne se résume pas à promouvoir l’abstinence jusqu’au mariage.
Le jour où nous aurons un gouvernement rationnel, non idéologique, non dirigé par derrière par des fanatiques religieux, et qui prouvera qu’il veut uniquement encadrer la pratique sans autre agenda caché, je serai entièrement pour le débat.
Cher Ludo, il me semble que tu fais ici un amalgame un peu glissant! Cela dit, il est bien évident que ça prend des balises pour les choses qui portent à conséquence (le suicide assisté est un autre beau cas). Le problème, c’est que très souvent les « baliseurs » d’un camp n’aiment pas les baliseurs de l’autre camp. Il faudrait pouvoir s’entendre sur les règles du jeu avant la partie, mais hélas, la partie est toujours déjà commencée quand on se met à penser qu’il faudrait des règles!
Je trouve ça dangereux de placer les gens dans des catégories.Comme si nous étions tous dans des compartiments séparés…Moi par exemple,je suis contre l’avortement mais pour le mariage gay(j’ ai même célébré 1 mariage gay).Quelqu’un peut avoir des opinions de gauche tout en ayant des opinions de droite.
Pour ce qui est des armes a feu aux Etats-Unis,je trouve ça déplorable qu’il n’y est pas plus de contrôles .Il y a tellement eu de massacres d’Amérindiens avec armes a feu aux Etats-Unis et maintenant de plus en plus de Blancs se font tués avec des armes a feu…
Pour ce qui est de l’avortement que je considère un meurtre,pourquoi certains ne veulent pas ouvrir le débat au Canada?C’est simple ,la plupart des pro-choix ont peur que l’avortement redevienne interdit et la plupart des pro-vies (dont Stephen Harper)ne veulent pas déplaire aux pro-choix.
Pourtant ,débattre d’un sujet est sain pour une démocratie (a moins que le Canada ne soit plus vraiment une démocratie et que Harper préfère se faire réélire plutôt que gouverner selon ses convictions???).Nous avons tellement peur de déplaire au Canada…
Moi non plus je n’aime pas ce que j’appelle « les opinions en package deal » mais dans le cas des mouvements évangéliques dont je parle, du moins leurs positions officielles, c’est malheureusement exact. Et ce qui est freakant c’est à quel point leurs représentants sont présents dans le gouvernement actuel (et parmi eux beaucoup des députés qui font pression pour rouvrir le débat).
Je ne veux pas rouvrir le débat avec qui que ce soit qui voudrait en revenir à l’illégalité factuelle (dans une loi) ou en pratique (sans rendre l’avortement illégal, l’encadrer de façon si serrée qu’il n’y aurait que de très rares cas qui respecteraient la loi). Les deux ont pour effet de faire grimper en flèche les avortements maison ou effectués de façon dangereuse. Malgré que je considère aussi l’avortement comme un geste grave qui devrait, grâce à un accès facile à une contraception efficace et une bonne éducation sexuelle, être le moins fréquent possible, je ne peux considérer comme valable d’obliger une femme à poursuivre une grossesse non voulue à moins qu’elle ne le choisisse elle-même.
Je respecte les gens qui sont contre l’avortement pour eux-même; je méprise ceux qui veulent l’imposer à tout le monde dans le cadre d’une loi. Je suis ouverte à un débat qui ne remet pas la légalité en question, sur les conditions de pratique et le moment de la grossesse à partir duquel il devrait y avoir sévère restriction et interdiction. Le gros du débat sur le libre choix, de toute façon, concerne l’immense majorité des avortements qui ont lieu en tout début de grossesse; les interventions plus tardives, surtout au 2e ou 3e trimestres, sont rares et surtout motivés par la découvertes de problèmes médicaux, dans certians cas menaçant la mère et le futur bébé de façon très grave.