À propos de ces films qui méritent qu'on s'y attarde plus d'une fois, ça me rappelle cette réaction de Nicolas Gendron à propos de "l'affaire Sauvé-Robitaille":
On peut dire en effet que les deux Patrice ont quelque peu dérapé sur le plateau de TLMEP. Ils ont été expéditifs dans leurs critiques, tout comme l'avait été Normand Provencher dans la sienne (ce qui est normal, vu le contexte d'un festival). Les deux clans ont «fait de l'effet», comme l'a résumé Robitaille dans le nécessaire entretien qu'il a pu avoir avec Provencher. Fin de l'esclandre.
Ce qui ne nous empêche pas de poursuivre la réflexion. Je n'ai vu ni «Le Goût de la cerise» ni «Free Zone» (oui, je suis en retard!), mais je sais qu'ils ont été célébrés par la presse. Est-ce à dire que les critiques de cinéma seraient plus aptes à apprécier un film d'auteur? Je ne crois pas. Mais je me risque à une nuance. Les critiques seraient plus aptes à le décoder, à mettre des mots sur leurs simples impressions de spectateur. Le public «normal» ne se force pas à analyser sa réaction et sa position par rapport à l'oeuvre qu'il vient de découvrir. Il n'en est pas dénué de sens critique pour autant. Mais il se manifeste plus discrètement, entre quelques phrases échangées à un ami pour le convaincre ou le dissuader d'aller voir un film. Le fameux bouche à oreille.
Le journaliste doit aussi vivre avec «le paradoxe du spectateur». Il doit être un bon public, à savoir qu'il doit s'abandonner suffisamment pour être en mesure de «vivre» le film; cependant, il est payé pour avoir un certain recul, s'il veut juger la production à partir de critères objectifs, donc sans verser dans les commentaires impressionnistes. Le bon critique saura départager juste ce qu'il faut ses goûts personnels de la qualité réelle d'une oeuvre. Il en va de même du cinéphile, pour qui c'est un réel plaisir de s'arrêter pour réfléchir au sens et à la pertinence d'un film d'auteur.
Je crois que c'est ça, la source de ce mépris: notre société ne reconnaît plus l'importance de respirer. Et le film d'auteur, par définition, demande un effort au spectateur. Et comme on est à l'ère des surgelés…
C’est bien beau toutes ces nuances sur les capacités d’un critique de mieux décoder qu’un cinéphiles… et « on paper », je suis d’accord.
Sauf qu’il y a une chose qu’il ne faut pas oublier: un critique de cinéma est un être humain, à qui on offre une tribune. Il se retrouve donc avec un certain POUVOIR. Et comme on le sait bien, le pouvoir peut facilement monter à la tête.
Au-delà des « capacités » surnaturelles qu’il a de mieux décoder un film et offrir au « petit peuple » sa sagesse, le critique de cinéma comme tout autre être humain se retrouve avec un pouvoir que d’autres non pas, et dont il lui est facile d’abuser.
C’est pourquoi j’ai de la misère avec certains critiques. J’ai un peu moi-même ce rôle et je suis toujours prudent. Comme dans ce billet, j’essaie d’utiliser articles indéfinis et conditionnel présent pour éviter de manquer de nuance. Ce qui n’est pas le cas de tous ceux qui profèrent leur « sagesse ».
La compétence d’un critique de cinéma ne devrait pas être jugée seulement dans sa « capacité d’apprécier un film d’auteur » ou de mettre des mots sur ses impressions. Sa capacité de faire abstraction de ses PRÉFÉRENCES devrait aussi entrer en ligne de compte. « Vous aimerez si… »
Et aussi, un bon critique devrait être conscient du caractère relatif de son rôle, et travailler moins dans les absolus (« j’ai trouvé le film _____ » plutôt que « ce film est ______ »).
Lorsqu’il en sera capable, j’accorderai plus de crédibilité à un critique de cinéma.
En attendant, comme je l’ai dit en commentaire dans une autre rubrique du site, le critique a le pouvoir d’encourager ou de dissuader ses lecteurs les plus peureux d’aller voir une oeuvre plutôt que d’expérimenter et s’en faire sa propre idée. C’est selon moi un pouvoir dangereux, qui est parfois mal utilisé.