Avez-vous regardé Tout le monde en parle hier soir? À Yves Desgagnés, venu promouvoir son adaptation de Roméo et Juliette, Guy A. Lepage a demandé ce qu'il pensait des propos que Denis Chouinard (L'Ange de Goudron, Délivrez-moi) avait tenus à la journaliste Chantal Guy de La Presse en mai 2006 et dont voici un extrait :
«Je ne veux pointer personne en particulier, mais quand Denise Robert donne tant à Yves Desgagnés pour faire un film alors qu'il n'a jamais fait un simple court métrage de sa vie, je trouve ça un peu poche, vraiment. Ils vont s'entourer de directeurs photo très professionnels qui vont faire la moitié de la job à leur place. Je trouve que ça dévalue le métier de réalisateur, c'est une profession qui s'acquiert à la longue. Je trouve ça malhonnête et un peu triste pour ceux qui rament derrière, qui prennent leur temps et qui essaient de faire des films de façon plus organique, plus artisanale et qui n'auront pas accès à ces budgets.»
Fort d'une soixantaine de mises en scène au théâtre, Desgagnés a rétorqué que nous étions dans une société d'abondance et que nous devions nous donner le droit de faire tout ce que nous voulions. Ah bon? Et moi qui croyais que le cinéma québécois traversait une crise de financement.
Oui, j’ai remarqué ses propos un peu étranges sur cette société d’abondance alors que l’on sait tous que le cinéma québécois est en crise. Peut-être vit-il trop dans son monde de théââââââtre pour être au courant du dernier bilan de santé de notre cinéma?
Faut dire qu’il semble vivre dans un monde légèrement différent, ce Desgagnés. N’a-t-il pas dit à propos de l’état de la planète que tout va pour le mieux, que puisque certains commencent à prendre conscience des choses alors tout va s’arranger? C’est drôle, je connais des tas de gens qui ont conscience de ce qui se passe, mais qui ne changent pas leur comportement pour autant…
Pour revenir à un aspect plus relié au cinéma, la sortie de Denis Chouinard ne me choque pas outre mesure. Même que j’ai commencé à être mal à l’aise lorsque j’ai appris le sujet du film d’Yves Desgagnés, une énième adaptation de Roméo et Juliette… qu’il aurait probablement pu mettre en scène au théâtre de toute façon. M’enfin… ce qui me rend perplexe, c’est que d’autres que lui ayant des choses sans doute plus intéressantes à nous raconter se sont fait fermer la porte du finamcement de leur projet. A-t-on pourtant si peu de choses à raconter au Québec pour en venir à prévilégier la version cinématographique d’une des plus populaires pièces de théâtre de tous les temps?
Le passage d’Yves Desgagnés À tout le monde en parle m’a laissé une curieuse impression. Cet homme de théâtre devenu cinéaste m’est apparu comme un monstre imbu de lui-même. Le succès lui a monté à la tête au point de mépriser son entourage, comme je l’ai constaté avec son attitude envers Madame Losique. Il balaie du revers de la main tout ce qui se trouve sur son chemin. Un vrai Napoléon qui voulait conquérir le monde, de l’Afrique à la Russie. Comme il l’a dit lui-même, il préconise une liberté absolue débarrassée de tout principe moraliste. Autrement dit, il cautionne la pédophilie, le vol, le meurtre, etc. Ses propos étaient dénués de tout bon sens. Prétentieux, parlant sans nuances, il a montré de lui une facette odieuse. Comme metteur en scène, il faut reconnaître son talent que j’imagine encensé outre mesure par une galerie d’admirateurs inconditionnels. En dehors du bémol psychologique que je viens de soulever, sa venue au cinéma devrait être la bienvenue. La faiblesse des films québécois repose principalement sur l’incapacité d’organiser un déroulement cohérent de l’action. En faveur de nos jeunes réalisateurs, il faut dire que travailler avec un scénario original est beaucoup plus difficile que d’adapter le texte des autres. À ce que je sache, Yves Desgagnés n’en a pas encore écrit. Son premier film ne m’a pas convaincu de son talent. Il a plutôt profité de celui, indéniable, de Claudine Mercier pour tirer ses marrons du feu. Son film était un long numéro davantage approprié au Festival juste pour rire. Qu’il jouisse des largesses des producteurs, grand bien lui en fasse ! François Truffaut est venu au cinéma après avoir délaissé sa plume de critique. Il ne faut pas jalouser sa chance, mais il doit faire ses preuves. Pour l’instant, Yves Desgagnés se comporte comme s’il était un vétéran du grand écran. Un peu d’humilité ne nuirait pas à sa nouvelle carrière. Vanitas vanitatum, et omnia vanitas. Traduction libre : respire par le nez.