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Roméo et Juliette : le navet de l’année

 

Maintenant que l'embargo est levé et que j'ai un peu de temps, je vous livre enfin ce que je pense de ce navet psychotronique, cette inutile, prétentieuse et ronflante relecture de Roméo et Juliette.

Comme je l'écrivais la semaine dernière à un copain, le film d' Yves Desgagnés, dont j'avais rebaptisé Idole instantanée, Idiotie incarnée, est une insulte à l'intelligence des spectateurs ainsi qu'au talent de tous les réalisateurs québécois qui attendent vainement des sous pour enfin tourner.

Il n'y a rien qui marche dans ce putain de film! Les dialogues semblent avoir été écrits par Fabienne Larouche et ça, je me l'explique très mal puisqu'ils sont de Normand Chaurette, un dramaturge des plus respectables (Provincetown Playhouse, juillet 1919, j'avais 19 ans, Fragments d'une lettre d'adieu lus par des géologues, Le Passage de l'Indiana, etc.). Les intrigues secondaires n'apportent strictement rien au récit : qu'est-ce qu'on a en à foutre des histoires de cul du frère de Juliette? Du manque d'inspiration du peintre gay? Du médecin chinois qui en pince pour la mamie de Juliette et qu'on ne verra jamais?

Y a-t-il quelqu'un qui pourrait me dire pourquoi on dénude la pauvre Johanne Fontaine absolument pour rien??? J'étais gênée pour elle de la voir affalée dans sa chaise avec une grosse fraise autour du cou posant pour le peintre avec un air vachement écoeuré – comme celui de bien des critiques le matin de la projection de presse.

À constater le rythme laborieux du film, on se dit que le monteur devait dormir au gaz, et personne ne peut le blâmer puisque toutes les scènes sont d'une lourdeur assommante et d'un ridicule sans bornes. Ah et puis, ne me parlez pas des maudites tounes plates toutes en anglais! Maudit que ça fait colonisé!

Rien à dire contre les Pierre Curzi, Gilles Renaud, Marcel Sabourin et Jeanne Moreau (mais que venait-elle faire dans cette galère???) qui font ce qu'ils peuvent avec les ébauches grossières de personnages qu'ils ont à défendre. Toutefois, du côté des jeunes interprètes trouvés par Denise Robert et cie lors d'auditions hautement médiatisées, c'est d'un amateurisme navrant.

Avoir une jolie gueule et un beau cul, ça ne suffit pas pour crever l'écran. Pas un n'arrive à transmettre la moindre émotion. Et lors des scènes d'amour, c'est le degré zéro de la sensualité. J'étouffais un bâillement chaque fois que Roméo et Juliette se frenchaient… C'est pas normal d'avoir hâte au suicide de deux jeunes qui s'aiment, non?

Ce qui faisait la beauté de cette histoire d'amour tragique, c'était la poésie de Shakespeare que Zeffirelli avait préservée dans sa sublime adaptation de 1968, de même que Baz Lurhman pour sa version baroque flamboyante à la sauce mexicaine de 1996. Et pour ceux qui croient que je suis une puriste frileuse, sachez que West Side Story de Robert Wise, lequel transpose Roméo et Juliette à New York, est l'un de mes films fétiches.

En fait, en apprenant que Chaurette allait signer le scénario, je m'attendais à ce qu'il garde la complexité du récit original tout en traduisant dans une langue proche de la nôtre les vers du célèbre barde. Or, Desgagnés, que je respecte comme acteur et metteur en scène de théâtre, a préféré remplacer les brûlantes tirades amoureuses par de longs silences insignifiants. Celui qui est dans les bonnes grâces – mais pour combien de temps encore ? – de Denise Robert pense-t-il que les ados n'ont donc vraiment rien à dire ? Le plus triste dans tout cela, c'est lorsque le jeune couple met fin à ses jours, le geste semble gratuit, même s'il est connu que l'amour est l'une des principales causes du suicide. Malheureuse idée dans un pays où l'on note une augmentation du suicide chez les jeunes.