En ce vendredi plutôt tranquille, je vous invite à lire cette très intéressante réflexion de Martin Bilodeau du Devoir à propos de l'aide récurrente de 10M$ annoncée lundi par la ministre de la Culture, Line Beauchamp, décision qu'il qualifie de « paresseuse et de mal avisée ». En voici d'ailleurs quelques lignes :
Ce que même la ministre fait semblant d'ignorer, c'est que plusieurs des scénarios que ces bénéficiaires — qui ont grenouillé jusqu'à son bureau — défendent devant la SODEC et à Téléfilm Canada se font souvent refuser du financement au profit d'autres projets, vraisemblablement mieux écrits ou plus aboutis. La leçon que ceux-ci retiennent de cette défaite: il y a une crise du financement du cinéma au Québec. Pas un manque d'imagination dans les projets qu'ils soutiennent ou, plus globalement, une mauvaise exploitation du talent de nos artistes du cinéma. Non, ils persistent et signent: on n'a pas assez d'argent pour faire nos films.
(…)
Quel besoin avons-nous de tant de longs métrages alors qu'on en produit si peu qui ont une grande valeur artistique? Pourquoi une politique de la quantité quand la qualité est à ce point déficitaire ou mal diffusée lorsqu'elle est au rendez-vous? (…) Convainquez-nous, ou faites semblant d'essayer de nous convaincre, que notre cinématographie s'enrichira des subsides supplémentaires mis à sa disposition. Qu'il y aura deux fois plus de Congorama, deux fois moins de Roméo et Juliette. La création d'emplois et les retombées économiques (vraies ou fictives) sont les arguments d'un patron d'usine. Pas ceux d'une ministre de la Culture.
Vous rappelez-vous la fois où Fabienne Larouche, outrée de voir son projet refusé, avait lancé quelque chose qui ressemblait à « Bernard Émond, il peut bien attendre ! ». Un peu plus, et je garrochais mon téléviseur par la fenêtre.
L'an dernier, j'étais ravie que la ministre débloque 10M$ parce que cela avait permis à Lyne Charlebois, dont j'admire le talent, de tourner son premier long métrage, Borderline, d'après deux romans de Marie-Sissi Labrèche (dont j'admire également le talent). Espérons que ce soutien financier permettra à d'autres réalisateurs talentueux de tourner (je pense notamment à Philippe Falardeau qui a déposé le scénario de C'est pas moi, je le jure, d'après le roman de Bruno Hébert, en automne). Cependant, si c'est pour avoir plus de Duo, de Roméo et Juliette ou de Boys 36, j'aimerais mieux que la crise persiste…
Mais il y a des nuances à faire dans l’application pratique. Un projet peut sembler prometteur sur papier, mais si l’éxécution est mauvaise, le projet devient quelconque. Un exemple tiré de cette année: Roméo et Juliette. Il n’y a rien à redire sur le texte original (on peut critiquer l’adaptation), et avec Normand Chaurette aux textes et Yves Desgagnés à la réalisation, le projet semblait porteur. Et pourtant, le film est décevant.
Le contraire se peut très bien aussi. Sur papier , Bon Cop Bad Cop devait simplement ressembler aux 35000ème clone de Lethal Weapon, avec plus de chances de se planter que de réussir. Toutefois, la mise en scènes et les comédiens réussissent à en faire un divertissement efficace d’été. Pas un classique, mais un bon film populaire et divertissant.
Toute filmographie compte son lot de succès, mais aussi son lot de navet. En ajoutant de l’argent on s’assure que des films supplémentaires pourront être produits. De ceux-là, certains seront très bons (à notre grand bonheur) et certains seront minables (on pensera à autre chose en vérifiant l’heure sur notre montre) et ce, malgré tous nos efforts. Jusqu’à présent, on n’a pas été trop mal servi par Téléfilm Canada et la SODEC, malgré le fait que l’année 2006 n’aura pas été un grand cru.
Faut donc laisser la chance au coureur, et se réjouir de voir que le gouvernement québécois permette au cinéma québécois de continuer sur la lancée des dernières années. Et chou au gouvernement fédéral! (une belle gaffe de Bev Oda qui dans une année potentiellement électorale regarde passr une chance facile de monter le capital de sympathie de son gouvernement au Québec à peu de frais.)