Comme moi, j'imagine que vous êtes tous en train de lire les dizaines et dizaines d'articles à propos de la tuerie de Virginia Tech. Non par curiosité morbide, mais pour essayer de comprendre ce qui s'est passé ce jour-là.
À C'est bien meilleur le matin, on suggérait de voir If., drame social de Lindsay Anderson avec Malcolm McDowell, et Elephant, de Gus Van Sant, qui s'inspire du massacre de Columbine, afin d'essayer de comprendre ce drame. Et d'en prévenir d'autres.
J'ajouterais à ces suggestions le documentaire de Michael Moore, Bowling for Columbine. Un jour, peut-être pourrons-nous ajouter à cette courte liste le film de Denis Villeneuve sur la tragédie de Polytechnique. Un film qui nous permettra peut-être de comprendre et de nous empêcher d'oublier.
Je n’ai eu connaissance de la tuerie qu’en voyant la Une de La presse. Je n’ai lu que les premières lignes de l’article, et je savais ce que j’avais à en savoir. Pas allumé la télé une seconde, ni la radio. De toute façon, je ne le fais jamais. Lire des dizaines d’articles sur le sujet ? Pour quoi faire ? Comprendre qu’une fois de plus, un pauvre gamin a choisi de mettre un terme à son mal de vivre ? Qu’au lieu de se finir aux barbituriques, il a préféré partir en grand ? Mourir, oui, mais pas dans l’anonymat…
Il y a quelques temps, en France, certains éclopés de la vie se tuaient en se faisant sauter au gaz. Le problème, c’est qu’ils ne partaient pas seuls, ils emmenaient tout l’immeuble dans leur mort. La gamine qui rentrait de l’école, le trentenaire sportif qui revenait du boulot…
Aujourd’hui, la surmédiatisation de ces tueries incitent d’autres gamins vulnérables à agir à leur tour. Et puisque dans cette belle Amérique de George Bush, ils ont facilement accès à l’attirail de Rambo, let’s do it !
Regarder les informations en continu, lire des dizaines d’articles, voir ces films que vous suggérez, tout ça n’y changera rien. On ne combat pas le mal de vivre à la télé ou dans les journaux. Et la surmédiatisation de ces tragédies ne fait rien d’autre que créer des psychoses, vous foutre le moral à terre, encourager cette saloperie d’industrie des médias qui capitalise sur l’horreur pour vendre du temps d’antenne aux publicitaires. Mais ça ne ramènera jamais personne à la vie.
Alors laissez faire Bowling For Columbine si vous vous êtes tapé des heures de surdéprime depuis la tragédie. Faites-vous plutôt couler un bain avec des bulles, ouvrez-vous une bouteille de vin, mattez-vous une comédie. Et surtout, éteignez cette télé ! Columbine n’a pas servi de leçon ni à l’humanité, ni à Bush. Cette nouvelle tuerie ne le fera pas davantage. Alors à quoi bon ressasser ?
Encore une fois. Un autre tueur fou, d’autres morts absurdes. D’autres réactions dévastées, d’autres deuils médiatisés ad nauseam. Les mêmes ingrédients : un déséquilibré armé jusqu’aux dents se sent rejeté et veut punir les autres sévèrement.
Comme auparavant, lors des fusillades de Polytechnique, de Colombine ou de Dawson, le débat divise deux camps. Ceux qui mettent en cause la prolifération des armes, et ceux qui limitent la faute aux troubles psychologiques d’individus spécifiques. En fait, on ne peut nier le lien direct qui existe entre le nombre d’armes en circulation et celui des victimes par balles, et il faut admettre que notre époque individualiste à outrance produit plus de déments. L’un n’exclue pas l’autre, au contraire. Cependant, si une surveillance étroite tyrannise autant les citoyens que les crimes qu’elle tenterait de prévenir, restreindre la possession d’armes est acceptable, ne serait-ce qu’en tant qu’expression de solidarité.
Sans solidarité, on va vers le chaos. Justement, ce qui fait que l’horreur se répète, c’est que chacun soit encouragé à assurer individuellement sa sécurité. ‘Achetez ce gros 4X4, c’est du solide!’ Sous-entendu : dans une collision, ce n’est pas vous qui mourrez. Dans le cas des armes, c’est pire. En milieu urbain, même si vous n’avez rien d’un fou furieux, la possession d’une arme vous donne prise sur la vie d’autrui. Le contrat social devrait exclure d’emblée ce genre d’abus de pouvoir des individus les uns sur les autres. Traditionnellement, l’usage des armes est réservé à la police et à l’armée, dans un cadre bien défini qui, normalement, interdit les abus. Aux États-Unis, une interprétation erronée de la Constitution autorise le glissement du port d’armes des « milices » vers l’ensemble des citoyens, et fait l’affaire de la NRA et des fabricants d’armes. Le chacun pour soi, c’est la dictature du profit.
Pour la société la plus riche du monde, le sang de citoyens innocents est-il le prix de la prospérité?
À chaque fois, c’est la même chose. Les gens veulent comprendre, veulent prévenir et veulent que ça cesse. Oui, c’est bien bon et je souhaiterais qu’il en fut ainsi. Mais ça n’arrivera jamais. Qui peut comprendre quoi à un tel événement? Je veux bien croire que le tueur était fou, mais l’était-il plus que ces gens de la N.R.A. qui prétendent qu’on devrait permettre à tous les étudiants de se promener armés?
C’est que du sensationnalisme ses pseudo-documentaires à Michael Moore…si au moins on pouvait se fier à lui. Mais si les gens veulent vraiment tenter de comprendre ces tragédies et etc, ils peuvent aussi bien écouter Elephant, effectivement, ou regarder autour d’eux…la violence est partout.