MD : J'ai l'impression qu'avec cette pratique, on va élargir davantage le fossé entre la critique et le public. En ce moment, on semble ne jurer que par le « vrai monde » qui parle des « vraies affaires » et qui « n'a pas peur de ses opinions ». À la longue, la critique finira-t-elle par nuire aux réalisateurs? J'entends parfois des trucs du genre : « la critique a aimé, donc, c'est plate ». Les gens vont-ils finir par se fier à Marie-Ève plutôt qu'à un « vrai » critique?
PF : J'aimerais ça préciser que vous m'avez nui, finalement (rires).
MD : On lui a nui! Je m'excuse (rires).
PF : La critique a nui à Congorama!
MD : (Fous rires)
PF : Quand je suis allé accepter le prix de la critique aux Rendez-vous, j'ai dit qu'on allait m'accuser de faire des films pour plaire à la critique, ce qui au Québec est odieux (rires).
MD : Devrions-nous nous éliminer, alors?
PF : .
MD : Entre confrères, on se fait des blagues parfois. On se dit que maintenant que Marie-Ève 14 ans et Alexandre 12 ans font de la critique, on n'aura plus qu'à donner des étoiles. et écrire des niaiseries sur nos blogues.
PF : Y a-t-il une solidarité entre critiques de cinéma au Québec? Est-ce que vous pourriez faire des critiques « incitables »? Quand tu lis une critique d'un gars comme Martin Bilodeau, tu sais que quand c'est mauvais, c'est mauvais, mais quand c'est bon, tu cherches le « one liner » et c'est de plus en plus difficile. C'est peut-être une fausse idée que je me fais, mais j'ai l'impression que vous êtes très prudents pour ne pas nous donner des supports à « one liner », des « one liner » qu'il faut modifier, auxquels il faut mettre des crochets. Tu sais, il n'y a plus de phrases punch, ça n'existe presque plus, comme s'il y avait une certaine prudence. Je me dis des fois si la critique pouvait faire des textes « incitables », sans étoiles, sans note pour ainsi dire « ok, vous voulez citer Cinéma Montréal, mais vous nous citerez pas ».
MD : Moi, je n'ai jamais demandé à personne d'écrire des phrases « punchées » dans le but d'être cité dans le journal. Moi-même, quand j'écris je ne me dis pas « ah oui, ça, c'est la phrase à citer ».
PF : Oui, je sais, mais j'ai l'impression à l'inverse que vous êtes prudents pour justement ne pas offrir vos phrases sur des plateaux d'argent.
MD : Oui, parce qu'on a peur d'être mal cités. Dernièrement, c'est arrivé à Marc-André Lussier pour À vos marques. party! , Marc Cassivi a même écrit là-dessus. Marc-André, qui n'a pas aimé le film, avait titré ironiquement sa critique « De la belle jeunesse avec des belles valeurs »; or, c'est ce titre qui s'est retrouvé dans la pub du film! Ce n'est pas la première fois que ça arrive. et sûrement pas la dernière.
(Je dois quitter. je vous promets que dans les autres parties de l'entrevue, on parle des bonus du DVD et du prochain film de Falardeau.)
Quand vous dites « J’entends parfois des trucs du genre : « la critique a aimé, donc, c’est plate » », je crois que vous tenez un bout de la vérité. J’ignore si c’est comme ça aussi ailleurs, mais il me semble qu’au Québec, quand les gens remarquent qu’un film a fait l’unanimité auprès de la critique, ils se mettent à redouter le film en se disant que « bof, la critique, on sait ce que ça vaut… »
Mais à l’inverse, quand la critique ramasse un film, les gens se disent tout à coup: « Si les critiques n’ont pas aimé ça, c’est que ça doit être vraiment mauvais! »
Mais quand un film récolte des critiques mitigées, là les gens plongent et vont voir le film. Comme s’ils se disaient: « Au moins, que j’aime ça ou que je n’aime pas ça, je pourrai toujours me rassurer en disant que tel critique avait dit la même chose ».
Drôle de logique, le québécois…