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Tête-à-tête avec Philippe Falardeau 3

(Pour ceux qui ne suivent pas l'entrevue fleuve en 1000 morceaux avec Philippe Falardeau, on en était rendus à jaser de critique.)


André Turpin et Philippe Falardeau
 

PF : Lorsque vous êtes mal cités, avez-vous le droit de faire retirer l'extrait?

MD : Oui, bien sûr. D'ailleurs, je vérifie tout le temps les pubs afin de m'assurer que personne n'ait « twiké » une phrase extraite d'une critique négative.

PF : Pour le DVD de Congorama, nous avions demandé à René Homier-Roy la permission de le citer. La question de fond reste : est-ce que ça existe le métier de critique ici? Et si oui, on peut pas continuer de le dévaloriser comme cela en citant côte-à-côte des enfants anonymes et des gens qui en font un métier.

MD : J'ai l'impression que c'est la suite logique des choses. À la télé, nous sommes bombardés par des émissions de télé-réalité et maintenant, nous entrons dans l'ère de la « critique-réalité ». Il y a quelques années, Richard Martineau parlait du règne des ti-counes, je serai plus respectueuse en disant que maintenant, c'est le règne du « vrai monde ».

PF : Ça va plus loin que ça, je dirais. C'est la fuite du contenu. On est que dans la réaction, les impressions. À la télé, quand on met en scène des reality shows, on est que dans les réactions interpersonnelles. Ce ne sont pas des gens qui ont des choses à dire, une réflexion, de toute façon, ça nous intéresse pas d'avoir dans le loft des gens qui réfléchissent. Anyway. ça nous amène aux bonus.

MD : Oui, parlons-en!

PF : C'est un peu la même réflexion que j'ai eu par rapport aux bonus. J'ai le coffret James Bond et j'ai remarqué que les documentaires qui accompagnent des films comme Goldfinger sont super intéressants, mais ceux qui ont été faits pour les trois ou quatre derniers James Bond sont du genre Entertainment Tonight avec une espèce de trailer au début avec une voix de femme hystérique annonçant une entrevue avec Pierce Brosnan et là, t'as Pierce qui parle de son personnage. On est beaucoup là-dedans dans les making of, des entrevues avec des vedettes, des anecdotes cocasses. Moi, j'avais pas ça parce que j'avais refusé qu'il y ait une caméra sur le plateau, car je trouve que ça désacralise le travail et que les gens se sentent en représentation. Je me suis donc retrouvé le bec à l'eau après le tournage en me demandant ce que j'allais mettre dans les bonus, d'autant plus que c'est le producteur et non le distributeur qui paye pour les bonus. J'ai réussi à obtenir un peu d'argent de Christian Larouche afin de pouvoir monter des images que j'avais gratouillées au fil des ans pour faire des bonus. Là, je me suis demandé qu'est-ce qu'il y avait en toile de fond, comme inspiration et enjeux dans Congorama que je pourrais approfondir dans les bonus. Par exemple, il y a un truc sur Raymond Deshaies (ndlr : un Québécois qui a imaginé un autobus hybride dans les années 60 mais qui n'a jamais reçu d'appui du gouvernement ) qui n'est ni un reportage ni un documentaire, mais plus un clin d'oeil sur ce gars-là. Si on regarde comme il faut le film, on se rend compte de l'inspiration directe, même sur la direction artistique. Lorsqu'on rentre chez Raymond Deshaies, c'est comme chez Sylvio Legros (ndlr : l'inventeur de la voiture électrique dans le film). Donc, on n'est pas dans les vedettes pis les anecdotes de plateau.

MD : Et c'est ça qui est chouette!

PF : Oui, mais je me demande jusqu'à quel point ça peut être intéressant.

(À SUIVRE!)