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Cannes 2007 : Les petites filles modèles

La Naissance des pieuvres de Céline Sciamma.

La dernière fois que j'ai été touchée par un film d'ados, c'était à Cannes en 2004. Il s'agissait de La Niña Santa de Lucrecia Martel, qui traduisait avec retenue et acuité les émois d'une adolescente découvrant sa sexualité peu après qu'un pédophile l'eut effleurée dans un lieu public.

Lorsque j'écris film d'ados, je ne pense pas aux produits usinés made in USA où fausses moches, petites garces, nerds et footballeurs règlent leur compte au bal des finissants – produit que l'on tout récemment livré à la sauce québécoise – , mais bien de films où il est question des petits et grands drames de l'adolescence par le biais de personnages si près de la réalité qu'ils font émerger en nous des souvenirs qu'on aurait voulu oublier à tout jamais.

Premier film de Céline Sciamma, lequel concourt pour la Caméra d'or dans la catégorie Un certain regard, La Naissance des pieuvres met en scène trois filles de 15 ans qui n'ont selon les apparences que leur passion pour la nage synchronisée en commun. Rêvant de faire partie de l'équipe de nage synchro, la maigrichonne Marie (Pauline Acquart) idolâtre la belle Floriane (Adèle Henel), chef de l'équipe, qui, elle, se moque de la rondelette Anne (Louise Blachère), chef d'une autre équipe et meilleure copine de Marie.

À leur corps défendant, elles formeront toutes trois un ménage à trois amical où jalousie, mensonge, trahison, fascination et rejet marqueront au fer chaud ces jeunes sylphides fragiles. Tour à tour, elles s'échangeront des regards lourds de sens, des vacheries d'une cruauté sidérante et des confidences qui semblent elles-mêmes les dépasser. Au coeur de tout cela, leurs pulsions sexuelles qu'elles expriment ou compriment maladroitement, l'image dont elles sont prisonnières, et bien sûr, le désir d'être acceptée par la bande tout en étant différente des autres filles. Évidemment, il y a les garçons qui rôdent pas trop loin du vestiaire.

Dirigeant admirablement ses jeunes comédiennes (non, non, ce ne sont pas des filles de 25 ou 30 ans), la réalisatrice a su capter, grâce à une mise en scène sans flafla, les émotions à fleur de peau de ces adolescentes tourmentées. Avec tendresse et bienveillance, elle les montre dans toute leur beauté, leur grâce juvénile, mais aussi avec leurs maladresses, voire leurs excès, sans toutefois en faire de jolies potiches ni les rendre ridicules. Un joli film d'une grande sincérité.