Ethan et Joel Coen durant le tournage de No Country For Old Men. |
Vendredi soir, j'ai pu constater, non sans désagrément, le pouvoir de séduction des frères Ethan et Joel Coen chez mes confrères du monde entier. Nous étions des centaines à piaffer d'impatience dans nos enclos respectifs quand un incompétent de placier a fait bifurquer la queue formée par moi et mes confrères « cols bleus » (blague d'un charmant confrère danois qui rêve comme moi d'un badge rose) vers le centre de ladite queue, provoquant l'ire de mes frères de badges.
Nous étions si pressés les uns contre les autres que j'aurais pu très bien me laisser porter par la foule. Toutefois, agoraphobe sur les bords et tenant férocement à mes chaussures (non, je ne suis pas très Cendrillon – un jour, je vous promets de révéler quel type de princesse je suis), j'ai décidé de garder les deux pieds sur terre et de jouer subtilement du coude afin de respirer un peu mieux (tout en lançant des oeillades assassines à la fille qui voulait me dépasser depuis un quart en faisant mine de draguer le mec derrière moi). Puis, lorsque la barrière s'est enfin ouverte, nous nous sommes précipités vers les marches comme un troupeau de vaches enragées. S'il avait assisté à cette scène pathétique, un confrère dont je tairai le nom nous aurait crié : « Vous faites honte à la profession ! »
Qu'avons-nous gagné ? La chance de voir le film à qui certains critiquent décernent déjà la Palme d'or, No Country For Old Men des frères Coen. Une chose est sûre, l'incident qui venait de se passer nous prédisposait parfaitement à savourer ce jouissif thriller violent sans temps mort campé près des frontières du Texas et du Mexique. Si le décor rappelle celui visité par Tommy Lee Jones dans son lyrique The Three Burials of Melquiades Estrada, il devient cette fois le théâtre d'un sanglant jeu de chat et de la souris entre Josh Brolin, dans le rôle d'un cow-boy un peu paumé qui trouve une valise bourrée de fric sur les lieux d'un deal de drogue ayant fatalement tourné, que convoite Javier Bardem dans la peau d'un tueur psychopathe n'entendant pas à rire, mais qui incidemment fait crouler la salle de rire dès qu'il l'ouvre. A leurs trousses, un shérif désabusé joué par Jones.
Adaptation d'un roman de Cormac McCarthy, No Country For Old Men n'est pas le chef-d'oeuvre tant attendu des frères Coen, mais après les peu mémorables Intolerable Cruelty et Ladykillers, ce dernier donne enfin aux fans la chance de renouer avec l'humour bien noir du tandem à qui l'on doit notamment les excellents Fargo et The Man Who Wasn't There. Peuplé de personnages aux gueules impayables, porté par des répliques décapantes, No Country For Old Men livre un portrait incisif d'une Amérique partagée entre la nostalgie du Far West et la dure violence d'aujourd'hui. Semant sur sa route d'innombrables cadavres d'innocentes victimes, le redoutable Anton Chigurh fait son entrée par la grande porte au Panthéon des vilains du grand écran par le biais d'un Javier Bardem au faciès diaboliquement impassible. Je lui décernerais bien un prix d'interprétation, celui-là.
Méchant zoo Cannes!
Toujours généreuse dans tes écrits. Je te lis.
« How to survive Cannes ». Ça ferait un joli documentaire.
Certains donnent à Javier Bardem le prix masculin d’interprétation. Un prix pour les Cohen p’têtre?
Parait que la réprésentation du Canada y est particulièrement faible cette année.
Peut-être bien le prix du scénario…
Javier, je lui donnerais son prix tout de suite!
Du côté des actrices, j’ai craqué pour l’actrice roumaine Anamaria Marinca.
Mise en scène? Le Van Sant…
Quant à la Palme d’or, au film roumain 4 mois, 3 semaines et 2 jours.
(Prédictions à prendre avec un grain de sel parce que je suis très poche là-dedans!)
Bien malin qui pourrait prédire en effet.
Je glane des infos par satellites interposés 🙂