BloguesCinémaniaque

Cannes 2007 : Bref retour sur les derniers jours

Les critiques promises il y a plusieurs jours (dur, dur de revenir de Cannes)…

Cinéma, cinémas

Chacun son cinéma (hors compétition), film célébrant les 60 ans du vénérable festival, ne s'est pas avéré le clou des festivités, mais le joyeux À 8944 km de Cannes de Walter Salles, où deux larrons chantent les louanges du festival, a tout de même fait crouler la salle de rire, tandis qu'Anna d'Alejandro Gonzalez Inarritu, portrait d'une cinéphile aveugle, a ému le public. J'ai aussi bien aimé l'irrésistible Diario di uno spettatore de Nanni Moretti, toujours aussi égocentrique et un tantinet hystérique, de même que le rigolo One Fine Day de Takeshi Kitano où un pauvre fermier voit sa séance de cinéma prendre fin abruptement.

Pour sa part, David Cronenberg illustre avec une bonne dose d'humour macabre l'avenir des salles de cinéma dans At the Suicide of the Last Jew in the World in the Last Cinema in the World. Également, comment ne pas sourire devant Josh Brolin, revêtu de son costume de cow-boy, qui hésite entre aller voir Les Climats et La Règle du jeu dans World Cinema des frères Coen ? J'allais presque oublier de mentionner le jouissif OccupationsLars Von Trier décide d'en finir avec un insupportable voisin trop bavard.

« Allons tous bouffer ! » s'est écrié Roman Polanski à la conférence de presse qui suivait la projection de ce film, outré des questions sans intérêt de certains journalistes. Comment le blâmer ? Si vous entendiez les questions à la con que les artistes se font poser lors des tables rondes. Cela dit, son Cinéma érotique était plutôt facile.

Le prix du 60e anniversaire

 
Paranoid Park

Bien que Gus Van Sant n'ait pu répéter avec Paranoid Park l'exploit de 2003, où il avait récolté la Palme d'or et le prix de la mise en scène pour Elephant, n'empêche qu'il a charmé avec raison le jury. Qualifié de « lovely » par Stephen Frears, ce drame d'un adolescent coupable de la mort accidentelle d'un gardien de sécurité (scène saisissante semblant tout droit sortir d'un film d'horreur) n'est peut-être pas porté par le même souffle poétique qu'Elephant ou Last Days, mais avec ses superbes prises de vue de skaters, rappellant celles de Dogtown and Z-Boys de Stacy Peralta, son atmosphère hypnotique et la structure subtilement éclatée de son récit, Paranoid Park lui aura permis de repartir avec le prix du 60e anniversaire. Dans mon livre à moi, comme dirait l'autre, ça aurait bien mérité aussi bien le prix de la mise en scène.

Jolie Angelina


A Mighty Heart
 

La bien-nommée Angelina Jolie a fait vibrer le Palais lors de son arrivée à conférence de presse (avec Brad Pitt, producteur du film), mais malgré son jeu, pourtant très prenant, dans le film de Michael Winterbottom (The Road to Guantanamo), la star ne m'a pas entièrement convaincue de la pertinence et la nécessité d'un tel film.

Adaptation du livre de Marianne Pearl, A Mighty Heart : the Brave Life and Death of my Husband Danny Pearl, A Mighty Heart raconte à l'aide d'une réalisation nerveuse l'horrible sort du journaliste Daniel Pearl (Dan Futterman), dont on apprit la mort par décapitation aux mains d'extrémistes pakistanais le 23 janvier 2002, du point de vue de sa femme (Jolie, frisettes et accent français à l'appui), elle aussi journaliste, sans réellement apporter un nouvel éclairage sur les événements.

S'il s'avère convaincant lors des passages à caractère politique, Winterbottom se révèle un peu lourd lors des flash-back à caractère romantique. Demeure cependant la douleur palpable d'une femme courageuse qui n'a jamais cessé de se battre. Au fond, vaut peut-être mieux se rabattre sur le bouquin.

Le battement d'aile du papillon

 
Le Scaphandre et le Papillon

« I must be a cold-hearted bitch (Je dois être une chienne au coeur de pierre) » que j'ai lancé en haussant les épaules à mes confrères américains, tous étonnés que je n'aie pas versé la moindre larme durant la projection du film de Julian Schnabel, Le Scaphandre et le Papillon, d'après le récit autobiographique de Jean-Dominique Bauby, ex-rédac'chef de Elle, qui fut atteint du locked-in syndrome à la suite d'un AVC.

Récipiendaire du Prix de la mise en scène, bien que pressenti par plusieurs de mes confrères pour la Palme d'Or, ce film porté par l'excellent Mathieu Amalric adopte la majeure partie du temps le point de vue de Bauby, qui ne voyait plus que de l'oeil gauche, avec lequel il dicta à coup de battements de paupière son livre, paru en 1997, quelques jours avant sa mort.

En résulte par moments, notamment lors de la scène d'ouverture, de fort belles images texturées, presque abstraites, qui traduisent parfaitement les états d'âme de cet homme, dandy plutôt antipathique, prisonnier de son corps. Toutefois, ce choix de mise en scène se révèle assez lourd à la longue – plus subtile cependant que ces flashes où l'on voit Amalric coincé dans un scaphandre en suspens dans l'océan.

En fait, si je n'ai pas été touchée autant que mes confrères, c'est que j'avais trop souvent l'impression que Schnabel avait davantage tenté de démontrer la laborieuse façon avec laquelle Bauby avait réussi à écrire son livre, grâce à la patience d'ange de son assistante qui nota le tout et de l'orthophoniste (Marie-Josée Croze, dont le sourire bienveillant illumine l'écran à chacune de ses apparitions) qui lui apprit comment communiquer, plutôt que de démystifier le sentiment d'enfermement dont il fut le premier à pouvoir témoigner. Au risque de me répéter, vaut peut-être mieux se rabattre sur le livre.