BloguesCinémaniaque

Cannes 2007 : Conspiration, mon oeil!

L'Âge des ténèbres

Ça fait plus d'une semaine qu'on me demande, sourire en coin, ce que j'ai pensé de L'Âge des ténèbres. « Pis, c'est-i si pourri que ça ? » « Ben non, que je réponds, c'est pas pourri, c'est ordinaire. » Évidemment, qualifier ainsi un film de Denys Arcand , c'est presque ainsi dire qu'il est pourri. Or, il ne l'est pas. Tenez-vous le pour dit.

Ce que je trouve pourri cependant, c'est lorsqu'on insinue que les critiques se sont concertés pour recevoir aussi tièdement L'Âge des ténèbres. Comme l'a si bien écrit Nathalie Petrowski à la suite de la parution dans La Presse de la pathétique missive du producteur Roger Frappier voulant que « Les critiques ne voient pas les films avec le public. Ils voient les film entre eux et s'auto-influencent. Ils écrivent tous ou toutes la même critique. » :

L'affirmation est d'autant plus malhonnête qu'elle fait abstraction de l'individualisme exacerbé des critiques, de leur esprit compétitif (dû en partie à la concurrence qui existe entre les différents médias), de leur penchant pour le secret et du fait qu'à Cannes, ils courent comme des queues de veau et ont rarement le temps d'échanger trois mots sinon le début d'une opinion. Si, au bout du compte, ils ont tous identifié les mêmes failles dans le film d'Arcand, ce n'est certainement pas parce qu'ils les ont inventées.

Y en a-t-il un parmi vous qui croit que nous nous préparions à casser du sucre sur le dos d'Arcand avant même le début de la projection? Bien au contraire, après avoir entendu quelques rumeurs favorables, dont celle voulant que le film ait été applaudi au Marché du film, nous respirions plus aisément ce jeudi-là dans la salle Bazin. Je mentirais si j'omettais de dire qu'il y a eu des fous rires durant la projection – ouf! On comprenait non seulement notre accent, mais aussi notre humour! – , mais contrairement à la présentation officielle du dimanche, je dois aussi dire qu'il n'y a pas eu d'ovation dans la salle. Un silence froid. Rien de plus. Pas le moindre applaudissement ni, heureusement, sifflet.

À la sortie, nous échangions quelques regards consternés, lesquels sous-entendaient qu'il allait être dur d'écrire notre appréciation du film. Nous avons à peine échangé sur le film. Juste assez pour comprendre qu'aucun de nous n'avait été renversé par L'Âge des ténèbres. Quant à savoir ce que chacun de nous pensait, nous allions l'apprendre dans les jours suivants en lisant les critiques, comme tout le monde. Rien de plus. Le lendemain, nous étions conviés à un 5 à 7 avec l'équipe du film. Le coeur n'était pas à la fête, mais devant l'enthousiasme de Marc Labrèche et cie, nous nous sommes joints à eux afin de parler en toute convivialité. Serions-nous hypocrites? Non, nous avions une job à faire : vous rapporter les impressions de la bande qui savourait son plaisir d'être invitée à un si prestigieux festival.

Le samedi, nous nous sommes rendus à la conférence de presse afin de voir si la critique internationale avait plus aimé le film que nous. Comme c'était triste de voir tant de sièges libres dans une salle où l'on doit parfois se battre pour entrer. Il est vrai que les rats commencent à quitter le navire dès le jeudi. Ce qui était encore plus triste, c'était de voir cette place libre à côté de Denise Robert à la table de conférence où faisaient face au journalistes Arcand, Labrèche, le producteur Dominique Besnéhard, Emma de Caunes et Diane Kruger. Pourquoi pas une petite place pour Sylvie Léonard, qui joue la femme de Labrèche? Ou encore pour Macha Grenon ou Caroline Néron, qui ont bien autant de présence à l'écran que mesdemoiselles de Caunes et Kruger? Après tout, quelques heures plus tôt, Emir Kusturica était bien entouré de tous ses acteurs lors de la conférence de presse de son film Promise me This. À l'instar du reste de la distribution (Didier Lucien, Jean-René Ouellet, André Robitaille, Hugo Giroux, etc.), ces dames ont dû s'asseoir sagement dans la première rangée. Un peu gênant, mettons.

Évidemment, les journalistes semblaient davantage s'intéresser à celles qui incarnent les fantasmes sexuels de Labrèche qu'à la vedette principale ou au réalisateur. Puis tout à coup, un journaliste de Radio-Canada, Maxence Bilodeau qui n'avait pas assisté au sympathique 5 à 7, a osé demander à Arcand ce qu'il pensait des critiques publiées au Québec : «Je ne sais pas de quoi vous parler, a répondu froidement le réalisateur. Mon film n'est pas sorti au Québec, alors je n'ai pas lu les critiques.» «Vous avez encore la passion, monsieur Arcand?» a encore osé Bilodeau. «Oui, la passion est là.» a répondu sèchement Arcand. Ouille, en v'là un qu'on ne pourra pas accuser de mollesse ou de complaisance. Vous croyez que ça nous faisait plaisir? Pas du tout. Je n'ai pas fait de sondage auprès de mes confrères, mais je suis sûre que nous aurions tous voulu pouvoir crier au génie la veille afin de pouvoir éviter un tel froid dans l'assistance. Au fait, ça vous dirait de lire ma critique?