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Cinemania 2007: Suite des confidences de Bertrand Tavernier

Noiret et Huppert dans Coup de torchon

– En lisant l'autobiographie de Philippe Noiret, j'ai remarqué qu'il insistait sur le mot «artisan». «Oui, mais enfin, c'était un artisan qui lisait énormément, qui avait une grande compréhension. Je crois qu'il se diminue aussi.» – Lorsque je l'ai rencontré en 2003, j'avais été frappée par sa grande modestie. «Oui, c'est de la modestie, c'est de la modestie, mais en même temps, c'est l'orgueil de quelqu'un qui sait quand il est bon. Il était un artisan au même titre qu'il y a eu des menuisiers qui ont révolutionné leur art.» – Dans sa biographie, il parlait beaucoup de ses années au théâtre, de son apprentissage avec Jean Vilar dans la troupe du TNP. Il a dû apporter toute cette expertise du travail d'équipe sur le plateau, non? «Bien sûr, bien sûr. C'est un homme qui m'a appris beaucoup, beaucoup de choses, qui m'a donné une philosophie de la vie, des choses importantes et aussi un perpétuel goût pour la culture. C'est pas quelqu'un qui vous aurait répondu comme Sean Penn à qui on proposait en France d'aller visiter un musée, «ça ne vaut pas la peine, j'ai déjà vu un musée». Philippe Noiret était un homme qui allait dans les musées, qui s'intéressait aux peintres, comme Balthus, aux lithographes. Il était curieux, il était toujours à s'étonner devant certains livres. C'était pas quelqu'un qui vivait sur ses acquis. Vous avez certains artisans qui resteront toujours avec leurs mêmes techniques. Lui, il était toujours à chercher autre chose. Aussi, il avait compris une chose que Gabin avait dit à un acteur: "Petit, tu sais, dans un film, il faut économiser sa gueule, parce que les gens vous acceptent et puis, ils en ont marre de vous.» Il faut donc arriver à faire des choix, comme tourner une scène de dos. Noiret, c'était pareil. Dans Coup de torchon, j'ai tout une scène très importante où il est de dos face à Isabelle Huppert. Je lui avais dit que je n'aurais pas de contre-champ sur toi. Il m'avait répondu: "Tant mieux!"» – Et pourtant, la première fois qu'il s'est vu de dos au cinéma, il en a été malade. «Oui, peut-être qu'il l'a écrit, mais c'est pas complètement vrai, car dans deux ou trois des scènes les plus importantes qu'il a fait chez moi, c'était des scènes de dos dont il était très content.» *** Ne manquez pas Coup de torchon à 13 h et la Leçon de cinéma de Bertrand Tavernier à 15 h 30.