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Cinemania 2007: Tavernier, Noiret, Rochefort

Rochefort et Noiret dans L'Horloger de St-Paul

Tel que promis, voici la suite des confidences de Bertrand Tavernier: – Sur le plateau de L'Horloger de St-Paul, votre premier long métrage, Philippe Noiret vous aurait décrit comme un «jeune homme timide et effronté qui s'était emparé du plateau avec naturel et gentillesse». Et vous, quelle a été votre première impression de Noiret lors du premier jour du tournage? «En fait, il y avait deux Noiret. D'abord, le Noiret de la vie, celui qui m'avait aidé pendant deux ans à lutter parce que le film avait été rejeté par tout le monde, donc, c'était un homme dont j'avais pu apprécier la fidélité. C'était un homme qui avait le respect d'une parole donnée, et ça, c'est pour moi inoubliable. Je n'ai jamais rencontré quelqu'un comme ça. Jamais. Après, il y a eu le Noiret du plateau; j'avais en effet un peu peur, car il avait déjà fait pas mal de films.» – Il était déjà très connu. «Oui, mais ce n'était pas une vedette. Les films qui l'avaient lancé, c'était des collectifs ou des comédies, comme Alexandre le bienheureux, les films d'Yves Robert.» – Zazie dans le métro. «Oui, mais la vedette de ce film, c'était Louis Malle. J'ai trouvé aussi que c'était quelqu'un qui avait compris très vite ma manière de filmer et l'avait aimée. Il y avait une partie de l'équipe qui, en voyant les rushes, on avait commencé par toutes les scènes de Noiret et Rochefort, disait que Rochefort était en train de voler le film à Noiret. Tout en admirant passionnément ce que faisait Jean, je pensais que ce n'était pas le cas. À un moment, j'en ai glissé un mot à Noiret: "Laisse-les penser comme ça. Jean a 15 scènes dans le film, moi, j'ai toutes les autres, alors je peux m'économiser. Je ne suis pas en compétition, quand j'arrive dans les scènes avec Rochefort, il y a eu d'autres scènes avant où je suis seul ou que je me confronte à d'autres personnes, et elles vont peser sur celles de Rochefort". Vous voyez, il avait une approche synthétique et globale de son personnage qui, à mon avis, était celle d'un Jean Gabin, mais qui souvent n'est pas celle d'un acteur de théâtre ou d'autres comédiens, comme Isabelle Adjani, qui voient chaque scène comme si elles étaient vitales. Noiret savait qu'il y avait des scènes importantes, mais pas vitales. Il avait intérêt de toute façon à lever le pied de l'accélérateur parce que si tout est traité avec la même importance, toutes les nuances vont disparaître.» *** L'Horloger de St-Paul, ce dimanche, à 12 h 45, en présence du réalisateur.