Je viens de tomber sur une très intéressante chronique de Martin Bilodeau du quotidien Le Devoir qui, alors que le festival image+nation entame sa première semaine, revient sur le livre du critique et professeur de cinéma Matthew Hayes, The View from Here : Conversations with Gay and Lesbian Filmmakers, que je vous invite à lire (la chronique comme le livre).
Parmi les citations qui ont marqué le journaliste, celle de Don Roos, qui s'inquiète autant du présent que de l'avenir du cinéma gay : «Je me demande comment Brokeback Mountain a pu se faire, déclare Don Roos. Le film va certainement nous faire plus de tort que de bien parce qu'on va s'en servir comme d'un exemple de l'ouverture des studios et de l'évolution des moeurs. Mais croyez-moi, sur la ligne de front, les choses n'ont pas évolué. Elles sont même pires qu'avant. Il est plus difficile aujourd'hui d'introduire un personnage gay dans une histoire que ça l'était il y a dix ans quand j'ai fait The Opposite of Sex.»
L'autre jour, je discutais avec un ami, cinéphile et gay, de la pertinence d'un festival tel image+nation. Je lui disais que je n'avais rien contre ce genre de festival (surtout pas cette 20e édition qui offre plusieurs titres qui piquent ma curiosité), mais que je me demandais s'il y avait vraiment assez de bons films « GLBT » pour justifier son existence d'année en année. Pour avoir eu à couvrir i+n à quelques reprises, je ne me rappelle pas avoir crié au génie très souvent. Comme me disait un ami, cinéphile et straight : « C'est pas parce que deux gars se frenchent dans un film que ça en fait un bon film. gay ».
Aussi, je lui faisais remarquer qu'une telle manifestation annuelle pouvait entraîner un effet ghetto plutôt que de donner envie aux straights de découvrir le cinéma gay. D'ailleurs, pourquoi parler de cinéma gay, pourquoi donner une orientation sexuelle aux films en raison de celle du réalisateur ou des protagonistes ? Lorsque j'ai vu Brokeback Mountain, l'un de mes films préférés, je n'y ai pas vu un western gay mais bien l'une des plus belles histoires d'amour que j'avais jamais vue au cinéma. Eh oui, le couple est formé de deux garçons, so what ? Sachant que le film avait été étiqueté « western gay », bien des gens se sont sans doute privés d'aller voir ce film magnifique d'Ang Lee.
L'avis de mon ami à propos d'i+n ? Il m'a répondu qu'au-delà du cinéma, ce festival était un lieu de rencontres et de discussions pour les membres de la communauté « GLBT » et ses amis. Eh ben, c'est en lisant des propos comme ceux de Roos que la bulle dans laquelle je vis me pète (une fois de plus) en pleine face, s'il y a des homophobes à Hollywood, il y en a parmi nous. En fait, selon les statistiques, une personne sur deux serait intolérante face à l'homosexualité ou aurait des préjugés sur celle-ci. À l'instar du défilé de la fierté gaie, i+n tient sans doute une place importante dans la reconnaissance sociale des gays, lesbiennes, bisexuel(le)s et transsexuel(le)s. Et si i+n peut faire de notre société une société plus ouverte d'esprit, longue vie à image+nation. Sur ce, si vous allez du côté d'i+n, bon festival.