Je n’avais pas envie de revenir sur la crise de Patrick « Il Divo » Huard qui, faute de ne pas s’être fait offrir un billet de première classe, a refusé d’aller présenter à Paris Les 3 p’tits cochons, son premier long métrage, lequel ouvrait la Semaine du Cinéma à Québec… où l’on présentait également Ma fille, mon ange et Ma tante Aline – heureusement qu’on y présente aussi Contre toute espérance de Bernard Émond et Continental, un film sans fusil de Stéphane Lafleur pour sauver la mise.
Bref, je n’avais pas envie d’y revenir, mais vendredi dernier, j’ai reçu cette missive de l’Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec, où l’on dénonce ce que Huard a voulu dénoncer avec éclat, soit le fait que les réalisateurs ne touchent pas de droit d’auteur. Voici le texte intégral :
«Voilà que le lapin sort du chapeau à l’occasion d’une controverse publique qui ne concerne qu’indirectement l’épineux problème en question, problème dont pourtant l’ARRQ fait état depuis plus d’une douzaine d’années sans que la presse ne s’en préoccupe vraiment.
Non, les réalisateurs et les réalisatrices, tant au cinéma qu’à la télévision, ne touchent pas de droits d’auteur, contrairement à leurs collègues européens. Pourquoi? Parce que la loi canadienne sur le droit d’auteur ne leur en accorde pas. Parce que le Canada constitue le Domestic Market du cinéma américain et que s’est installée chez nous l’habitude du copyright qui achète tous les droits pour tous les territoires à perpétuité.
Oui, l’ARRQ se bat sur tous les fronts possibles pour que les réalisateurs et réalisatrices, d’une part soient reconnus comme auteurs, d’autre part puissent bénéficier de droits d’auteur. Auprès du Gouvernement fédéral dans le cadre de la révision de la loi sur le statut d’auteur où elle a déposé un mémoire. Au sein d’un regroupement constitué de l’UDA, de la SARTEC, de la SPACQ, de l’APFTQ et de la SACD-SCAM en ce qui concerne les droits sur la copie privée afin que la loi fédérale reconnaisse à tous ses membres des droits similaires aux droits musicaux ou sur la photocopie. Auprès de l’APFTQ et de la convention télévision à venir. Auprès, récemment, du projet de télé sur demande Éléphant de Québécor (et a obtenu la reconnaissance d’un droit d’auteur pour les réalisateurs). Au quotidien, l’ARRQ proteste auprès des télédiffuseurs quand le nom de ces derniers n’apparaît pas ou très mal au générique des émissions ou sur les auto-promotions; elle offre par ailleurs des services juridiques gratuits à celles et ceux qui ont besoin d’assurer ou de défendre leurs droits professionnels, en plus d’avoir mis à leur disposition un document de base pour ce faire, Le petit Groleau. L’ARRQ a même été le maître d’œuvre, en 2002, du Forum international des associations de réalisateurs (FIAR) qui a, entre autres, mené à «La déclaration de Montréal» entérinée par vingt-six délégations nationales en provenance des cinq continents, de même qu’à celle du «Rôle du réalisateur», celle-là entérinée par vingt-trois délégations.
Le lapin avait besoin d’un électrochoc médiatique, semble-t-il, pour qu’on s’informe de sa santé : il est très malade, oui.»
L’association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ)
Et après on se demande pourquoi les réalisateurs québécois sont obligés de quêter des subventions et se voient forcés, bien souvent, de produire des trucs édulcorés ou qui doivent rejoindre des critères de rentabilité…
C’est incroyable ! À côté du foutoir que représente la méthode de financement du fonds canadien de la télévision (il y a un lien étroit entre l’exploitation en salles d’un film et sa sortie sur le petit écran par la suite), nous voici devant une aberration totale : des réalisateurs qui se font vider les poches par leurs producteurs et ignorés par le/la ministre (peu importe la couleur politique) qui siègent en se poignant le beigne à la Chambre des Communes. Et ce, malgré la fondation d’une pépinière de talent comme l’ONF.
Justement, peut-être est-ce à l’avantage du Canada de ne pas permettre l’enrichissement des réalisateurs qui passent par la SODEC et autres organismes fédéral appuyant le développement cinématographique au pays.
Pas surprenant non plus de voir des fondations privés soutenir des initiatives pro-canadienne afin d’entretenir le mythe du Canada Uni en Terre d’Amérique.
Pas surprenant que Denys Arcand peut se permettre de sourire sur la couverture de l’Acualité (de Rogers communication) en se foutant de la critique puisque son autonomie financière lui vient de son mariage avec l’une des plus puissantes productrices de l’industrie.
Wow ! Ce cher Denys peut bien rire et ne pas trop se sentir « au cotton » alors qu’il a pris la place d’au moins deux films québécois qui aurait pu prendre la place de son bancal et retardé patente machin des ténèbres.
C’est pas lui qui va crever de faim après avoir raté un Oscar. Ce que d’autres productions récentes auraient pu remportées. Et je pense notament à l’oeuvre magistrale de Stéphane Lafleur, la comète du cinéma kino-québécois !
Qu’est-ce qu’on disait déjà dans les belles années de l’ONF ?
Ah oui : le mépris n’aura qu’un temps !
Et qu’est-ce que disait le Voltigeur Beaumarchais à propos des droits d’auteur des dramaturges de son temps ?
La même chose que nos réalisateurs aujourd’hui, en 2007, sacrament !