BloguesCinémaniaque

Cannes 2008: un océan de blancheur tièdement reçu

 

La grande fête du cinéma a commencé sur une note plutôt inquiétante et sombre malgré la lumineuse présence de Julianne Moore dans le rôle d'une mère Teresa des temps modernes. C'est qu'on ne montre pas que le côté noble de l'être humain dans Blindness de Fernando Meirelles, dont Don McKellar signe le scénario d'après le roman L'Aveuglement de José Saramago, prix Nobel de littérature.

De fait, dès les premières images soignées aux couleurs désaturées, tirant presque sur le gris métalique, lesquelles font paraître encore plus éclatants les feux de circulation, un homme (Yusuke Iseya) perd subitement la vue au volant de sa voiture. Une lumière blanche aveuglante envahit l'écran: « C'est comme si je nageais dans le lait » explique l'homme qui ne comprend pas ce qui lui arrive. Un autre homme (McKellar) se propose de le conduire à la maison; aussitôt rendu à destination, il l'abandonne et lui vole sa voiture.

En peu de temps, ce premier aveugle aura transmis sa « cécité blanche » au voleur, à sa femme (Yoshino Mimura), à un médecin (Mark Ruffalo), qui contaminera à son tour ses patients, dont une mystérieuse femme aux lunettes noires (Alice Braga), un petit garçon (Mitchell Nye) et un homme au bandeau noir (Danny Glover, également narrateur du récit). Seule la femme du médecin (Moore) sera épargnée. L'étrange mal fera des centaines de victimes et la ville aura l'air d'une zone de guerre.

Lorsque le médecin sera enfermé avec d'autres malades dans un hôpital insalubre, sa femme se fera passée pour aveugle afin de rester à ses côtés. Alors que l'entraide et la solidarité se développeront malgré l'énorme tension entre les résidants du dortoir 1, ceux du dortoir 3, leur roi (Gael Garcia Bernal) et un comptable aveugle de naissance (Maury Chaykin)en tête, leur mèneront la vie dure.

Armé d'un revolver, le roi du dortoir 3 ordonnera à tous de lui apporter argent ou bien précieux en échange de nourriture. Et lorsque les biens matériels viendront à manquer, il demandera alors aux femmes de se vendre pour manger. Je vous épargne les détails, éprouvants, et le reste de l'histoire, fort captivante, que Meirelles raconte grâce à un solide scénario, un sens de l'ellipse bien maîtrisé et à un montage fluide.

Accueilli par de tièdes applaudissements, quelques huées et sifflets, Blindness n'a certes pas plu à tout le monde. Et en discutant avec quelques confrères, j'ai bien vu que je n'étais pas la seule à ne pas avoir été complètement conquise. Certes, je me suis passionnée pour l'histoire. En voyant ces cruelles images de ville dévastée où errent des enfants en quête de nourriture, je me suis même rappelé Le Voyage d'Anna Bloom de Paul Auster, roman qui m'avait fait ressentir le même sentiment de découragement, d'inquiétude et d'oppression.

Plus encore que le récit, l'esthétique du film m'a assez plue. A plusieurs reprises, la caméra adopte le point de vue des aveugles, les personnages se fondent alors dans une lumière blanche ou apparaissent hors focus. Même certains cadrages semblent avoir été composés par des aveugles alors que les personnages dialoguant ensemble se retrouvent presque entièrement hors-champ, laissant au spectateur le « plaisir » de contempler le vide. Côté direction artistique, rien à reprocher puisque la saleté et le désordre des lieux où sont confinés les malades paraissent bien réels. Quant aux interprètes, particulièrement Moore et Glover, ils jouent leur partition sans fausse note; Bernal donne même l'impression de s'être amusé comme un fou à jouer les salopards.

Alors que la junte militaire permet à peine à l'aide internationale de venir en aide aux habitants du Myanmar ou que l'on se rappelle l'indifférence du gouvernement Bush lors des ravages produits par l'ouragan Katrina, l'allégorie sociale qu'est Blindness sonne douloureusement juste et toujours d'actualité. Serait-ce parce que le miroir que Meirelles nous tend est si peu flatteur que l'on accueille si difficilement Blindess? Sans doute un film qu'il faudra revoir…

Je vous reviens plus tard avec les propos tenus à la conférence de presse par le réalisateur et les principaux acteurs du film.