Le Silence de Lorna marque la quatrième participation au Festival de Cannes de Luc et Jean-Pierre Dardenne, deux fois lauréats de la Palme d'Or. Dans ce drame social qui n'est pas sans rappeler Rosetta, une jeune albanaise nommée Lorna (Arta Dobroshi, émouvante et sensible) contracte un faux mariage avec un toxicomane (bouleversant Jérémie Renier) grâce à un malfrat (Fabrizio Rongione, juste) afin d'obtenir la nationalité belge. Le malfrat en question compte ensuite marier la jeune femme à un mafieux russe (Morgan Marinne, inquiétant) après avoir assassiné son faux mari. Quant à Lorna, elle rêve d'ouvrir un resto avec son petit ami Solko (efficace Alban Ukaj).
Récit sombre et tordu s'il en est un, Le Silence de Lorna n'en porte pas moins une belle humanité à travers le personnage de Lorna, jeune femme de prime abord sans scrupule qui s'avère d'une complexité étonnante. Moins âpre qu'à son habitude, et ce, malgré le milieu glauque auquel elle s'attache, l'approche des Dardenne s'avère également moins oppressante, la caméra de ces derniers se faisant moins scrutatrice, plus discrète, à l'instar de leur précédent film (L'Enfant). En résulte un portrait de femme d'une remarquable justesse. Sans doute le film le plus accessible des Dardenne. Qu'en penseront les membres du jury? Une chose est sûre, le jeu de Renier et celui de Dobroshi, qui rappelle à la fois Emilie Dequenne, Ellen Page et une jeune Adjani, saura les toucher.
Voici quelques une des réflexions entendues à la conférence de presse:
Jean Pierre Dardenne, sur le récit: « Ce qui nous a essentiellement intéressés, c'est ce récit de gens venant d'Europe de l'Est qui viennent chercher leur part de bonheur dans l'Europe occidentale et par quels moyens ils tentent d'y arriver. Quant à Lorna, son beau silence accouchera de quelque chose, de ses paradoxes. »
Luc Dardenne, sur la caméra: « Effectivement, la caméra est beaucoup plus calme. On voulait regarder Lorna. On se disait qu'il fallait regarder cette femme, ne pas bouger avec elle ni être dans son énergie. En fait, on ne voulait pas enregistrer avec notre caméra, mais plutôt écrire. »
Jérémie Renier, sur son personnage de junkie: « Chez Belvaux (le téléfilm Mère de toxico), l'approche était différente. Il existe plusieurs formes de dépendance, plusieurs façons de s'y raccrocher. Pour ce film, j'ai rencontré plusieurs psychologues, j'ai apporté ma vision et les discussions en répétition m'ont aussi aider à créer Claudy. »
Arta Dobroshi, sur le fait de parler français au bébé qu'elle attend: « On a beaucoup discuté de ça, on se demandait si elle allait lui parler en albanais, qui est sa langue maternelle, ou en français (appris en deux mois), qui est la langue du présumé père. En réfléchissant, on s'est dit que maintenant qu'elle vivait en Belgique et qu'elle voulait aussi garder un lien avec le père, il était tout naturel qu'elle parle français. »
Luc Dardenne, sur le lieu de tournage: « Nous avons tourné à Liège plutôt qu'à Seraing parce que le secret de Lorna devenait plus intéressant entouré de monde que dans une ville déserte. Lorna paraît plus seule et son silence, plus fort, plus étrange. »
Jean-Pierre Dardenne, sur le retour de leurs comédiens dans ce film: « Comme on accueillait une jeune femme parmi nous, on avait un peu peur, alors on a décidé d'appeler les boys. Alban Ukaj est arrivé avec Arta et puis il est devenu un boy. Très tôt dans le processus on souhaitait retrouver autour d'Arta nos comédiens. »
Jean-Pierre Dardenne, sur une éventuelle troisième Palme d'Or: « Nous sommes heureux d'être ici, nous attendions les projections avec anxiété, mais pour le reste… Inch'Allah! »