Hier soir, pendant que les badauds hurlaient à la vue de Madonna au bras de Sharon Stone gravissant les marches du palais, je faisais la queue devant la salle Debussy, angoissée en réalisant qu'il y a avait plus de monde que d'habitude, craignant du coup de ne pas pouvoir entrer bien que je me sois présentée près d'une heure et demie avant la projection du dyptique de Steven Soderbergh sur la vie du Che.
D'emblée, je dois dire que je suis comme le commun des mortels, c'est-à-dire que je connais par coeur le beau visage ténébreux du Che, sûrement aussi iconique que celui de Marilyn Monroe, mais que je suis loin de connaître sa vie dans ses moindres détails. Ayant déjà vu le très beau Diarios de motocicleta de Walter Salles sur la jeunesse d'Ernesto Guevara, incarné par Gael Garcia Bernal, je croyais partir avec une longueur d'avance… Toutefois, les deux volets formant Che sont si denses, si riches que bien qu'ayant la conviction de m'être couchée moins niaiseuse hier soir, je suis encore sous l'impression que bien des subtilités m'échappent. Mais n'est-ce pas là la marque des grands films?
Dans la première partie, de loin la plus bavarde bien qu'on y retrouve plusieurs scènes de fusillades dans la jungle, Sorderbergh suit Guevara, défendu par un Benicio del Toro en pleine possession de son personnage, lors de son voyage à New York où il fut invité à s'adresser à l'ONU en 1964. Afin d'appuyer les théories du Che, le réalisateur entrecoupe ces scènes en noir et blanc par des séquences en couleurs de conversations de Guevara avec Fidel et Raul Castro (Demian Bichir et Rodrigo Santoro)lors d'un souper en 1955 et de Che et les barbudos réfugiés dans la Sierra Maestra en 1956 peu après avoir déclaré la guerre au dictateur Batista. Par moments trop didactique pour vraiment émouvoir, la première partie s'avère une leçon d'histoire bien vivante.
Dans la deuxième partie, dont la photo est tout aussi soignée, plus près du film de guerre que du cours d'histoire, Soderbergh illustre le combat du Che en Bolivie où il s'était rendu incognito afin de fomenter la Révolution Latino-américaine. Alors que la première partie présentait de constants aller-retour dans le temps, la seconde partie est racontée de façon linéaire. Bien que l'on sache la fin du Che très proche, l'on ne sent pas réellement de montée dramatique. C'est dans cette partie qu'apparaît Marc-André Grondin, incarnant l'auteur français Régis Debray, un proche de Fidel Castro, que j'aurais bien voulu voir dans plus de trois scènes. Fait à noter, qu'ils soient Américains (Matt Damon), Allemand (Franka Potente) ou Québécois (Grondin), les acteurs s'expriment en espagnol. Eh oui, un film américain où l'on ne parle pas l'anglais (ou si peu). Quant aux acteurs sud-américains, dont le Mexicain Bichir, la Colombienne Catalina Sandino Moreno et le Brésilien Santoro, ceux qui connaissent l'espagnol remarqueront qu'ils ont bien travaillé leur accent cubain. Un souci d'authenticité qui rehausse la grande crédibilité de l'ensemble.
Entre nous, je n'ai pas eu de coup de foudre pour cet ambitieux « crash course » sur Ernesto Guevara, mais n'empêche que les images du film hantent encore mon esprit en ce début de soirée.