Jusqu'à jeudi matin, le film que j'ai le plus détesté de la compétition était sans nul doute La Mujer sin cabeza de Lucrecia Martel. Cependant, depuis que j'ai vu La Frontière de l'aube de Philippe Garrel, j'aimerais mieux me taper trois fois de suite le film de Martel plutôt que de revoir, ne fut-ce qu'un quart d'heure, cet objet de de prétention salué par Libération.
Qu'est-ce que je me suis rasée pendant ce drame romantique aux accents surréalistes! Mettant en vedette Louis Garrel (fils du réalisateur), qui pose plus qu'il ne joue, et Laura Smet (fille de Johnny Haliday et de Nathalie Baye), l'une des plus piètres actrices que j'ai vues sur grand écran, La Frontière de l'aube raconte la liaison fatale entre un photographe et une star. Jusque-là, ça peut aller, bien que l'histoire est banale et les répliques, peu inspirées – notez qu'ils sont trois à avoir signé le scénario.
On ne sait pas trop quand ça se passe puisque Garrel, qui se croit encore à l'époque de la Nouvelle Vague (pour Les Amants réguliers, ça collait parfaitement au sujet, mais là, de grâce, on est en 2008!), a opté pour le noir et blanc (très belle photo signée Willy Lubtchansky, au demeurant) et gommé tous les éléments pouvant nous donné un indice sur l'époque. Jusque là, ça peut encore aller, le noir et blanc provoquant un charmant décalage avec la réalité.
Là où ça ne va plus, c'est lorsque que le récit bascule de façon risible dans le surnaturel. Et là, vous lisez les mots d'une fille qui a eu le coup de foudre pour Orphée de Cocteau lorsqu'elle était ado. C'est dire que j'aurais pu aimer ce glissement vers le conte romantique inspiré de Spirite de Théophile Gauthier, malheureusement, il m'a fait grincer des dents. Comme plusieurs des autres spectateurs, j'ai fini par éclater de rire chaque fois que Louis Garrel recevait la visite d'un spectre par-delà le miroir.
A une demi-heure de la fin, d'autres spectateurs, las devant la poésie soporifique de Garrel, ont applaudi à trois ou quatre reprises dans le vain espoir que le film se termine dès qu'une fermeture à l'iris débouchait sur un trop long noir. Eh oui, les scènes s'enchaînent de cette façon désuète, et lorsque ce n'est pas le cas, on nous balance un carton nous annonçant où et quand sommes-nous rendus.
Vraiment, je m'explique mal comment un tel film peut mériter sa place en compétition. Ce matin, un confrère français me disait qu'il serait temps que la France remportre la Palme d'or. Une chose est sûre, l'honneur n'ira pas à Garrel. Le Desplechin, peut-être? Certes, j'ai adoré, mais Rois et reine était supérieur à Un conte de Noël. J'ai bien hâte de voir ce que Laurent Cantet et son Entre les murs nous réservent…
Perso je crois qu’il faut juger chaque oeuvre à la pièce, en dépit du Nom qu’elle porte.
Vous ne vous ferez pas d’amis parmi une certaine élite, mais j’admire votre franc-parlé et surtout, le lien direct de votre coeur envers vos lecteurs(trices) que vous savez partager depuis déjà quelques années, et ce, même si je n’ai pas toujours été daccord avec vos critiques.
Merci Manon.
Cher Yvan,
Si nous étions en train de siroter un rosé dans un café cannois, je vous dirais simplement: « Une certaine élite? Pff, je l’emmerde! »
Puisque ce n’est pas le cas, je répondrai poliment que je ne fais pas partie de cette soi-disant élite, ne souhaite pas en faire partie et que ce n’est surtout pas pour elle que j’écris. Et bien franchement, ne croyez-vous que mon existence ne leur donne-t-elle pas déjà la nausée?…
Cela dit, merci de votre cyberprésence et ce, même si je ne suis pas toujours d’accord avec vous 😉
J’aurais dû écrire : « fans » plutôt qu »élite »…Mon erreur, mais tout de même curieux de voir ce film.
Siroter un rosé dans un café cannois, ça doit être chouette.
Chère Madame Dumais,
On parle du film aujourd’hui dans Libération:
« A en croire certains échotiers, le film « La Frontière de l’Aube » n’aurait pas, décrètent-ils, sa place en sélection officielle. On nous refait donc le coup de la douane:un tel film n’a pas ses papiers en règle, suggèrent les gabelous, il ne répond pas au critère supérieurs de leur magistrature….Que Garrel soit tout à fait rassuré:il partage le sort des scandaleux Robert Bresson, Andreï Tarkovski, Hou Hsio-hsien et autres Manoel de Oliveira, tous sifflés par l’incurable plouquerie cannoise….On ne peut néanmoins que constater à quel point ce sont ceux qui professent des leçons de style aux plus grands metteurs en scène qui restent hermétiques à toute forme d’altérité:être contredit dans leur goût aussi médiocre qu’étriqué, voilà qui est au fond pour eux insupportable. Le Garrel a créé du clivage et du dissensus. C’est tant mieux.
Eh ben voilà, je suis une plouc cannoise la la lère!
Cela dit, oui, c’est chouette siroter un rosé à Cannes.
Votre réponse est très éloquente.
Je vous invite, entre vos »un rosé à Cannes », de lire le blog de Cannes de Télérama, qui offre une toute autre perspective du film.
Cher Martin,
Merci de m’inviter à aller lire d’autres critiques. Lorsque je ne suis pas au coeur d’une tornade comme le festival de Cannes, j’aime bien comparer ce que pensent les critiques des diffrérents médias et par-dessus tout, lorsque ceux-ci appartiennent à différents pays, à différentes cultures, à différentes générations.
Je suis étonnée de voir à quel point ce film a fait parler de lui. Encore ce matin, un fan fini de Garrel m’avouait avoir été déçu par La Frontière de l’aube. Il y a quelques jours, un confrère irlandais, qui n’avait pas aimé le film non plus, me disait qu’il trouvait triste qu’un tel cinéaste soit exposé à la cruauté du public cannois. C’est comme ça, on ne peut pas plaire à tous.
A Cannes, la réponse du public est immédiate, viscérale, émotive, voire même excessive. Parfois on aime à la folie, parfois on déteste tout autant. Parfois on applaudit poliment, parfois, on repart en silence. Il y en a même qui quittent après moins d’une demi-heure.
Entre nous, ne pensez-vous pas que l’indifférence soit la pire chose qui puisse arriver à un film? En partageant ainsi la critique, Garrel a prouvé qu’il avait sa place parmi ceux que Libé appelle les scandaleux. Quant à sa place dans la Sélection officielle, permettez-moi encore d’en douter…
Cela dit, avant que l’on lance des rumeurs sur le nombre de verres de rosé bus à Cannes, sachez que je bois très peu et que les quelques fois où j’en ai bu, c’était en savourant un bon repas (je ne bois jamais à jeun) après une journée à faire la queue durant des heures pour assister à des projections et à des conférences de presse.
Au risque de décevoir quelques détracteurs, entre siffler une bouteille de rosé et une bouteille d’eau plate, je choisis l’eau… Tiens donc, j’ai l’impression d’entendre Danny Lennon me crier « Get a life! »
Ce mardi paraissait en DVD La Frontière de l’aube , un film qui a profondément divisé les critiques l