BloguesCinémaniaque

Cannes 2008: Bonjour l’ennui

Jusqu'à jeudi matin, le film que j'ai le plus détesté de la compétition était sans nul doute La Mujer sin cabeza de Lucrecia Martel. Cependant, depuis que j'ai vu La Frontière de l'aube de Philippe Garrel, j'aimerais mieux me taper trois fois de suite le film de Martel plutôt que de revoir, ne fut-ce qu'un quart d'heure, cet objet de de prétention salué par Libération.

Qu'est-ce que je me suis rasée pendant ce drame romantique aux accents surréalistes! Mettant en vedette Louis Garrel (fils du réalisateur), qui pose plus qu'il ne joue, et Laura Smet (fille de Johnny Haliday et de Nathalie Baye), l'une des plus piètres actrices que j'ai vues sur grand écran, La Frontière de l'aube raconte la liaison fatale entre un photographe et une star. Jusque-là, ça peut aller, bien que l'histoire est banale et les répliques, peu inspirées – notez qu'ils sont trois à avoir signé le scénario.

On ne sait pas trop quand ça se passe puisque Garrel, qui se croit encore à l'époque de la Nouvelle Vague (pour Les Amants réguliers, ça collait parfaitement au sujet, mais là, de grâce, on est en 2008!), a opté pour le noir et blanc (très belle photo signée Willy Lubtchansky, au demeurant) et gommé tous les éléments pouvant nous donné un indice sur l'époque. Jusque là, ça peut encore aller, le noir et blanc provoquant un charmant décalage avec la réalité.

Là où ça ne va plus, c'est lorsque que le récit bascule de façon risible dans le surnaturel. Et là, vous lisez les mots d'une fille qui a eu le coup de foudre pour Orphée de Cocteau lorsqu'elle était ado. C'est dire que j'aurais pu aimer ce glissement vers le conte romantique inspiré de Spirite de Théophile Gauthier, malheureusement, il m'a fait grincer des dents. Comme plusieurs des autres spectateurs, j'ai fini par éclater de rire chaque fois que Louis Garrel recevait la visite d'un spectre par-delà le miroir.

A une demi-heure de la fin, d'autres spectateurs, las devant la poésie soporifique de Garrel, ont applaudi à trois ou quatre reprises dans le vain espoir que le film se termine dès qu'une fermeture à l'iris débouchait sur un trop long noir. Eh oui, les scènes s'enchaînent de cette façon désuète, et lorsque ce n'est pas le cas, on nous balance un carton nous annonçant où et quand sommes-nous rendus.

Vraiment, je m'explique mal comment un tel film peut mériter sa place en compétition. Ce matin, un confrère français me disait qu'il serait temps que la France remportre la Palme d'or. Une chose est sûre, l'honneur n'ira pas à Garrel. Le Desplechin, peut-être? Certes, j'ai adoré, mais Rois et reine était supérieur à Un conte de Noël. J'ai bien hâte de voir ce que Laurent Cantet et son Entre les murs nous réservent…