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Dédé vu par Jean-Philippe Duval

Voici en vrac les propos tenus par Jean-Philippe Duval lors de notre rencontre pour la sortie de son film Dédé à travers les brumes.

Faire ou ne pas faire un film sur Dédé ?

«Comme pour Polytechnique, les gens ont des craintes par rapport à ce film. Pourquoi avoir des craintes à parler d'événements qui ont marqué notre histoire, de nos blessures collectives ? Je crois que personne n'a la réponse. Peu à peu, nous gagnons en maturité, alors n'ayons pas peur de parler de qui on est, valorisons notre culture et rendons hommage à des artistes qui nous ont éblouis comme Dédé. Je ne voulais pas faire un film pour les initiés mais aussi un film pour les initiés. J'essayais de jouer sur plusieurs tableaux. Il y a des moments plus grand public, comme la formation du groupe, mais je voulais aussi montrer le processus de création, car il y a quelque chose de fascinant pour les gens qui ne vivent pas ça de près.»

Sur le suicide de Dédé

«Je trouve risqué de poser un diagnostic ; ce que j'ai dit, ce que j'ai décidé de montrer correspond à ce que je ressens. Je n'ai pas fait un film pour expliquer son geste. Le mot suicide est là, je ne me suis pas défilé. Dédé se suicide, mais, ça peut paraître étrange, il pose des questions fondamentales qui aident à vivre, donnent envie de créer, d'aller au bout de soi. Sa poésie transcende tout. C'est ça, sa force. Malgré tout, c'est un film d'espoir. C'est grâce à Dédé que j'ai pu surmonter mes craintes et ainsi préparer mon prochain film qui portera sur Jean-Paul Riopelle. Dédé à travers les brumes arrive presque 10 après Matroni et moi ; à l'époque où il s'est suicidé, je n'aurais jamais pu faire un film sur lui. Au départ, je croyais faire un documentaire, car je n'arrivais pas à croire que je pourrais écrire un scénario de fiction. Puis je me suis tourné vers la fiction et me suis nourri d'États humains. Je souhaitais faire un film long, plein d'éléments, une réflexion cinématographique. J'espère que le film redonnera l'envie de réécouter les Colocs.»

Ses recherches

«Je n'ai pas rencontré Mara Tremblay ni Mononc'Serge pour mes recherches. Serge était réticent, je crois qu'il regrette d'avoir participé à la Musicographie faite peu de temps après la mort de Dédé. De plus, comme il me l'expliquait, il a quitté les Colocs en 1995. Malgré tout, il nous a donné des t-shirts et plein d'autres trucs ; Yan Rompré, qui l'incarne, a aussi pu le rencontrer. Vander m'a dessiné le plan de la maison de campagne de Dédé et m'a décrit comment Dédé écrivait ; Mike Sawatzki m'a raconté comment tout se passait lors des répétitions. J'ai rencontré Jean Barbe, qui a écrit Autour de Dédé Fortin, les blondes de Dédé, ses sœurs et les autres membres des Colocs. Il était hors de question que je fasse le film si ces gens-là ne m'avaient pas parlé. Je n'aurais pas inventé ça "from scratch ". C'est vrai que j'ai croisé Dédé à l'université, mais je n'ai pas connu sa vie. C'était incroyable d'entendre les témoignages de ses blonde ! Nicole Bélanger m'a fait lire des lettres d'amour ; elle ne les avait pas ouvertes depuis leur rupture. Je m'en suis inspiré pour les dialogues entre Dédé et Nicole (Béatrice Décary), par exemple lorsqu'il lui dit "Je t'aime plus fort que trois bulldozers", ce sont les mots de Dédé.»

Sur la représentation des Colocs à l'écran

«La relation qu'entretenait Dédé avec Mononc'Serge était moins poussée qu'avec Mike, Pat Esposito et Vander. Alors, c'est évident qu'ils ne pouvaient pas avoir le même temps d'écran. Dédé aimait le métissage et je pense qu'il fallait que le film soit comme ça. Je voulais rendre hommage aux clips des Colocs sans nécessairement montrer Dédé tournant un clip. J'ai centré le récit sur la formation du groupe, sa relation avec Pat, avec les trois femmes importantes de sa vie.»