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Mario St-Jean : Tu me fais de l’ombre

Permettez-moi aujourd'hui de vous parler d'autre chose que de cinéma. Enfin, le sujet dont je veux vous entretenir n'est pourtant pas si lointain puisqu'il s'agit de photographie et de 100 personnalités québécoises, dont certaines s'illustrent au grand écran.

Hier soir, je suis allée au vernissage de l'exposition de Mario St-Jean, Tu me fais de l'ombre. Connaissant cet artiste visuel depuis une quinzaine d'années (ouille, ça nous rajeunit pas !), je connaissais l'existence de ce projet depuis quelques années. En fait, Mario St-Jean en rêvait depuis une dizaine d'années, mais comme il craignait de se faire traiter de fou ou de se faire raccrocher au nez, ce n'est qu'il y a trois ans que celui-ci a commencé à se concrétiser.

Le projet consistait à photographier l'ombre de 100 artistes afin de questionner notre fascination pour la célébrité, de même que souligner la part d'ombre et la part de lumière qui existent en chacun de nous. À sa grande surprise, chaque fois qu'il appelait un artiste, il recevait automatiquement une réponse positive. En fait, 150 artistes ont répondu à l'appel, mais l'artiste a décidé d'arrêter à 100. En fin de matinée, je me suis entretenue brièvement avec Mario St-Jean pour en savoir un peu plus…

MD : «Lorsque tu me parlais de ce projet, j'imaginais des photos austères, or, lorsqu'on arrive dans la pièce, on est frappé par toutes ces couleurs et ces formes abstraites.»

MSJ : «Je souhaitais qu'il y ait de la couleur pour l'aspect spectacle puisqu'il y a beaucoup d'acteurs de théâtre. Ce qui me plaisait aussi, c'était de faire multiplier ces ombres dans différentes grandeurs. Par moments, elles prennent le dessus du comédien.»

MD : «Tu étais particulièrement ému hier soir lors de la présentation…»

MSJ : «Disons qu'une expo comme celle-là, et c'est ma cinquième, c'est beaucoup de travail. Je me suis tapé le processus de A à Z et rendu à la lettre R, je manquais de jus. Un moment donné, je voulais mettre le feu à toutes ces bannières ! Heureusement, j'avais des gens autour de moi pour m'encourager. Je dois dire aujourd'hui que je suis fier de moi.»

MD : «Pourquoi 100 personnalités ?»

MSJ : «Je viens d'un milieu très cartésien, car je travaillais en sciences. Souvent, je devais faire des pourcentages et ça me fascinait que l'on rapporte tout à ce nombre. Dans l'abstrait, 100 personnes, ça paraît beaucoup, mais lorsqu'on voit 100 personnes en photo, on se rend compte que ce n'est pas tant que ça.»

MD : «Pourquoi des bannières plutôt que des cadres individuels ?»

MSJ : «C'est tout d'abord une question d'emplacement. Je me disais qu'aucune galerie n'accepterait que je fasse 100 trous dans ses murs. De plus, je trouvais que des cadres offraient un aspect trop rigide, tandis qu'en imprimant les photos sur des bannières, je me rapprochais de la scène puisqu'elles évoquaient des toiles de théâtre. En même temps, on peut s'imaginer en les regardant qu'il s'agit d'une troupe de théâtre qui joue une pièce. Pour les regrouper, je choisissais les portraits selon les couleurs, les teintes.»

MD : «Parmi ces images, on retrouve le sourire de France Castel, un joli clin d'œil à la Souris Verte et l'animateur Jacques Fauteux, que j'ai été très surprise de voir.»

MSJ : « J'ai toujours été impressionné par la présence et le professionnalisme de Jacques Fauteux ; bien que ça paraisse absurde, j'ai voulu rendre hommage à sa voix en photo, d'où le micro. Sur la photo de Louisette Dussault, tu remarqueras que son petit doigt recouvre les 10 photos, comme si la Souris Verte prenait toute la place. Quant à France Castel, c'est une photo d'elle se maquillant dans sa loge avant un spectacle ; j'aimais l'idée d'une ombre qui regarde son ombre dans le miroir.»

MD : «Bien que notre silhouette puisse changer au fil du temps, certains traits semblent figés dans le temps ; par exemple, j'ai remarqué que Diane Lavallée et Marie-Thérèse Fortin avaient des ombres de jeunes filles.»

MSJ : «C'est vrai que le temps n'altère pas toujours notre ombre. Lorsque j'ai photographié Isabelle Blais, j'étais troublé de constater que derrière la toile, elle semblait avoir 14 ans.»

MD : «Qu'est-ce qui t'as le plus troublé au cours de cette démarche ?»

MSJ : «Ma rencontre avec Janine Sutto. Au départ, je voulais la photographier soulevant des haltères de carton pour montrer qu'elle était encore forte, mais je trouvais finalement que ça faisait trop humoristique. Sa photo me touche beaucoup, car durant la séance, elle me disait qu'elle ne s'aimait pas, qu'elle se critiquait tout le temps, qu'elle était incapable de se voir. Et moi, j'ai le même problème ! Sur la photo, elle semble faire la paix avec elle-même, car son ombre tend la main vers elle. En voyant sa photo, Michel Tremblay m'a avoué être troublé car il trouvait que cela ressemblait à ses aquarelles.»

MD : «Tu es sérieux lorsque tu dis vouloir faire ce projet avec des artistes français ?»

MSJ : «Tout à fait ! Je veux aller au-delà du Québec!»

Pour en savoir plus sur Tu me fais de l'ombre, cliquez ici.

Au Gesù (1200, rue de Bleury), jusqu'au 26 juillet.