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Cannes 2009: Audiard, palme d’or?

 

C'est ce que plusieurs s'entendent pour dire sur la Croisette, mais il reste encore six jours de compétition… Avec le décevant Thirst de Park Chan-wook, le rigide Bright Star de Jane Campion, l'insupportable Kinatay de Brillante Mendoza, le sympa Taking Woodstock d'Ang Lee, le risible Vengeance de Johnny To et l'indigeste Antichrist de Lars von Trier, force est de constater que le seul rival sérieux d'Un prophète pour l'instant serait Fish Tank d'Andrea Arnold. N'oublions pas toutefois que les Haneke, Resnais et Suleiman n'ont pas encore été présentés…

Sans doute qu'Audiard a eu vent de ces rumeurs, car il affichait un air fort satisfait, frisant parfois l'insolence, à la conférence de presse où il regardait le parquet de journalistes admiratifs derrière ses lunettes noires.

Dans Un prophète, un Arabe analphabète de 19 ans (Tahar Rahim) est condamné à six ans de prison; le chef des prisonniers corses (Niels Arestrup – oui, vous avez bien lu!) le prendra sous son aile: "Ce qui m'intéressait, explique le réalisateur, c'était de me pencher sur les Corses, une entité close difficile à cerner. Je me suis intéressé à leur langue, leurs idiomes, lesquels forment des groupes fermés sur eux-mêmes; cette musique plaisait à mon oreille. Il s'agit d'un milieu vieillissant aux structures vermoulues; le titre se veut ironique, ce n'est pas un prophète qui arrive, mais un nouveau prototype de criminel."

Ayant pu écrire le scénario de Mesrine pour Jean-François Richet (coudons, ça devait pas sortir en janvier chez nous?) alors qu'Audiard et Nicolas Peufaillit peaufinaient celui d'Un prophète, Abdel Raouf Dafri, idéateur et co-scénariste, poursuit: "La proposition corse est choisie sciemment. Après la guerre, de Gaule a choisi les Corses, du côté de la Résistance, plutôt que les Italiens, du côté des collabos. Je voulais se faire affronter les Arabes, qui ne sont pas les bienvenus sur l'île de beauté, aux Corses. Je me suis basé sur l'histoire de mon pays, qui est la France, où il n'y a pas de mafia italienne mais où existe un milieu corse."

A propos de son rôle de Corse, le blond comédien français d'origine danoise se souvient: "Lorsque Jacques m'a approché, je lui ai dit "tu es sûr?" Comme la langue corse est très loin de moi, j'ai beaucoup travaillé avec un coach afin d'apprendre les mots, sentir la musique et ainsi me sentir plus libre. Un prophète me permettait également de travailleur pour la deuxième fois avec Jacques (ndlr: il jouait le père de Romain Duris dans De battre, mon coeur s'est arrêté); ce fut une expérience dure, complexe et hésitante."

"C'était exceptionnel de jouer avec un mythe pareil", s'est exclamé le jeune Rahim à propos de Arestrup. "Nous avions un rapport très sportif, avance le vénérable acteur. Jouer, c'est comme envoyer des balles. On ne peut pas être bien comme acteur si on ne peut pas réagir à quelque chose; Tahar était extrêmement disponible."

Enfin, sur la nature de son film, Jacques Audiard conclut: "Ce n'est pas un film de dénonciation; j'ai traité la prison comme une métaphore de la société où le dehors et le dedans sont la même chose. Ce n'est pas un film de faits de société, car je voulais faire un film de genre. C'est L'Homme qui tua Liberty Valance sans John Wayne." Et dire que j'ai même pas pu le rattraper à une autre séance 🙁