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Cannes 2009: Le choix de la présidente

Eh ben, une fois de plus, je me suis plantée dans mes choix! Je m'en fous, j'adore les surprises… sauf les mauvaises: Kinatay, prix de la mise en scène???

Sans plus tarder, voici la version non abrégée de mon texte devant paraître ce jeudi:

«J'irai contre moi-même», avait lancé laconiquement aux journalistes Isabelle Huppert lorsqu'on a demandé aux membres du jury s'ils oseraient aller contre leur présidente lors des délibérations. Eh bien, il semble que l'Huppert présidente ait tenu sa promesse.

Alors qu'on l'accusait d'être en conflit d'intérêt, l'actrice lauréate du prix d'interprétation pour La Pianiste a remis la Palme d'Or au magnifique film rappelant Bergman et Reygadas, Le Ruban blanc de l'Autrichien Michael Haneke, qui évoque la montée du fascisme. «Même s'il est ancré dans la société allemande, mon film s'applique à toute société qui érige un idéal en absolu», expliquait en conférence celui qui reçut le Grand prix en 2001 pour La Pianiste et le Prix de la mise en scène en 2005 pour Caché

On disait que malgré ses grandes qualités le drame carcéral Un prophète ne pourrait recevoir de Palme d'or sous prétexte qu'un film français, Entre les murs de Laurent Cantet, l'avait reçue l'an dernier. Peu importe la raison, Jacques Audiard, prix du meilleur scénario en 1996 pour Un héros très discret, est reparti avec le Grand Prix: «Ce n'est pas un film de dénonciation; j'ai traité la prison comme une métaphore de la société où le dehors et le dedans sont la même chose. Ce n'est pas un film de faits de société, car je voulais faire un film de genre.»

Seule des trois réalisatrices en compétition à recevoir un prix, l'Anglaise Andrea Arnold, à qui l'on doit le bouleversant «kitchen sink drama» Fish Tank, a dû partager le Prix du jury avec le Sud-Coréen Park Chan-wook, réalisateur de Thirst, ceci est mon sang…, film de vampires empruntant audacieusement à Zola. Tous deux avaient respectivement remporté le Prix du jury en 2006 pour Red Road et le Grand prix en 2004 pour Old Boy.

Sombre, sordide et d'une violence complaisante, Kinatay a étonnamment mérité au Philippin Brillante Mendoza le Prix de la mise en scène. Un choix pour le moins discutable. Le Prix du scénario a échu à Jian Zeng pour Nuits d'ivresse printanière de Lou Ye. Un véritable pied de nez au gouvernement chinois qui a interdit au réalisateur de tourner pour cinq ans. «En tant que réalisateur, je tourne des films, donc, j'ai fait comme d'habitude soit continuer de tourner en dépit de l'interdiction. Toutefois, j'aimerais que mon producteur ait à nouveau le droit de travailler et je souhaite aussi que l'interdiction de réaliser soit supprimée», avait-t-il demandé plus tôt pendant le festival.

Étrange comédie poético-absurde, laquelle marquait son retour à la compétition 50 ans après le sublime Hiroshima, mon amour, Les Herbes folles ont valu à Alain Resnais un «prix exceptionnel du festival de Cannes»: «Un film doit être quelque chose qu'on ne réfléchit pas. Je tourne pour savoir comment ça va tourner. Tout ce que je cherche, c'est de savoir si le film que je tourne suscitera des émotions», expliquait la semaine passée le doyen des réalisateurs en compétition.

Ardente et courageuse actrice s'il en est une, Charlotte Gainsbourg a reçu le Prix d'interprétation féminine pour le très controversé Antichrist de Lars von Trier: «J'étais prête à tout pour ce film. Le plus difficile, ce n'était pas les scènes de nudité ou de sexualité. Ce sont les scènes de souffrance que j'ai trouvées les plus crues, mais je me suis laissée guider par Lars. Ce fut toute une expérience, très intense.»

Éclipsant la prestigieuse distribution internationale d'Inglorious Basterds, Brad Pitt compris, Christoph Waltz s'est vu remettre le Prix d'interprétation masculine. «Quentin est un metteur en scène très précis, très pointu. Entre ses mains, on fait tout sans penser» confiait jeudi dernier l'acteur autrichien, à propos duquel Quentin Tarantino a juré que s'il ne l'avait pas trouvé, il se serait contenté de publier le scénario.

Par ailleurs, la Palme d'or du court métrage a été remise à  Arena de Joao Salaviza; The Six Dollar Fifty Man de Mark Albiston et Louis Sutherland a pour sa part reçu une Mention spéciale.

Présidé par le réalisateur Paolo Sorrentino (Il Divo), le Prix Un Certain Regard a été remis à Dogtooth de Yorgis Lanthimos, le Prix du jury à Policier, adjectif de Corneliu Porumboiu et les Prix special Un Certain regard 2009 à Les Chats persans de Bahman Ghobadi et à Le Père de mes enfants de Mia Hansen-Love.

Présidé par le cinéaste roumain Radu Mihaileanu (Va, vis et deviens), le jury du prix oecuménique a décerné son prix à Looking for Eric de Ken Loach, une mention spéciale au Ruban blanc de Michael Haneke et un «anti-prix» à Antichrist de Lars von Trier.

Enfin, à défaut de pouvoir repartir avec la Caméra d'Or (dont le jury était présidé par Roschdy Zem), qui lui a échappé au profit de Samson et Delilah de Warwick Thornton, Xavier Dolan a récolté trois prix à la Quinzaine pour J'ai tué ma mère, tandis que Philippe Falardeau a reçu le prix Écrans Juniors pour C'est pas moi, je le jure.