Lundi après-midi, Sébastien Diaz et moi avons participé à une émouvante table ronde en compagnie de Josée Legault et d'Yves Trudel alias Méo, deux amis de Pierre Falardeau, pour l'émission Voir. Nous y avons notamment discuté du personnage caricatural qu'il était devenu, du cinéaste que l'on ne doit pas oublier et de l'homme très à l'écoute des autres qu'il a été. Eh oui, au dire d'Yves Trudel, cette grande gueule au vocabulaire parfois ordurier écoutait deux fois plus qu'il ne parlait; il était aussi très à l'écoute des jeunes, a ajouté Josée Legault.
Je ne suis pas une fan de Pierre Falardeau. Toutefois, lorsqu'une copine m'a annoncé cet été qu'il était très malade, j'ai été attristée parce que bien que faisant partie des nombreux critiques à avoir descendu son dernier film, La Vengeance d'Elvis Wong, je gardais un beau souvenir de ma rencontre avec le bonhomme en juin 2004, juste à côté du Beaver Club…
Généralement, les distributeurs présentent les films aux journalistes avant de leur permettre de rencontrer le réalisateur et les acteurs. Or, dans le cas d'Elvis Wong, Christal Films, craignant sans doute les mauvaises critiques, a refusé que les journalistes le voient avant de rencontrer Pierre Falardeau et Julien Poulin. En temps normal, j'aurais refusé, mais voulant absolument rencontrer une fois dans ma vie ces deux personnages qui avaient égayé mon adolescence avec Elvis Gratton, j'ai accepté l'invitation. Et je ne l'ai pas regretté.
Lors de ces rencontres, j'avais été touchée par la sensibilité de Julien Poulin. Rarement ai-je entendu quelqu'un parlé avec tant d'amour, de respect et d'admiration pour un ami. En me parlant de leur longue collaboration, l'acteur, que Falardeau appelait affectueusement le gros Poulin, avait les yeux embués par l'émotion. J'ose à peine imaginer ce qu'il vit en ce moment.
Quant à mon tête-à-tête avec Pierre Falardeau, je m'étais approchée timidement en lui avouant que je craignais de lui parler. En tirant sur sa cigarette, il m'avait regardée et lancé : « J't'ai-tu déjà envoyé chier, toé? » « Pas encore! », lui avais-je répondu. « Bon, ben, viens t'asseoir, on va jaser » avait-il fait avec un clin d'œil.
Et qu'est-ce qu'on a jasé! Comme je n'avais pas vu le film, on avait passé plus de temps à parler de Rabelais et de Pasolini que d'Elvis Gratton. J'étais médusée par sa culture, son humour et, surtout, sa gentillesse. Certes, il sacrait beaucoup, j'avais d'ailleurs préservé quelques jurons histoire de respecter sa parlure à l'écrit, mais l'homme que j'avais en face de moi n'avait rien en commun avec l'ours mal-léché qui promenait son sourire en coin d'une caméra à l'autre. Ce fut une rencontre mémorable.
Depuis quelques jours, plusieurs font l'éloge de Pierre Falardeau en disant qu'un grand cinéaste nous a quittés. Grand cinéaste, vraiment? Sais pas trop… C'est sûr que dans mon top des films québécois, Octobre vient derrière le chef-d'œuvre de Michel Brault, Les Ordres, qu'aucun film n'a encore réussi à déloger de sa première place dans mon cœur. Sans doute que si on ne lui avait pas mis autant de bâtons dans les roues – rappelez-vous sa longue bataille pour le financement de 15 février 1839, autre film mémorable et bouleversant -, Pierre Falardeau aurait pu s'émanciper davantage comme cinéaste. Hélas, quand je pense à Falardeau, je ne pense pas à un grand cinéaste de génie, mais à un artiste incompris à qui l'on a coupé les ailes.
Pour ceux que ça intéresse, retrouvez les trois textes ci-hauts mentionnés ici, ici et ici.
En voyant l’émission, j’ai ressenti l’émotion profonde de Josée Legault lorsqu’elle a évoqué le souvernir d’être allée au Ritz avec Pierre Falardeau, manger des petits sandwichs au concombre (j’ai vraiment de la difficulté à l’imaginer).
Pourrait-t-on connaître leurs propos à ce moment-là et quand était-ce?
BRAVO pour l’émission Voir.