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Gilles Carle: souvenirs d’enfance

 

Crédit photo: Pierre Dury

Après avoir appris que Chloé Sainte-Marie allait inaugurer plus tôt que prévu la Maison Gilles-Carle, résidence pour les gens en perte d'autonomie, je me doutais bien, comme tant d'autres, qu'on apprendrait dans les jours suivants son décès.

Je n'ai jamais rencontré Gilles Carle, si ce n'est qu'à travers Charles Binamé que j'ai interviewé lors de la sortie de son bouleversant documentaire Gilles Carle ou l'indomptable imaginaire, toutefois, celui-ci fut sans doute l'un des réalisateurs ayant le plus marqué mon enfance, avec les Jutra (Kamouraska), Forcier (L'Eau chaude, l'eau frette), Carrière (Ti-Mine, Bernie pis la gang) et Brault (Les Ordres).

Comme le rappelait le critique de cinéma Michel Coulombe, Carle fut l'un des plus grands représentants du Québec au Festival de Cannes, mais à l'époque où Micheline Lanctôt faisait craquer Jean Rochefort sur la Croisette, le Festival de Cannes ne signifiait à peu près rien pour la petite cinéphile que j'étais. Ce qui ne veut pas dire pour autant que j'étais indifférente à tout ce qui se passait sur la planète cinéma.

Habituée de voir des films français et des films américains doublés en France, je me rappelle avoir été fascinée par le cinéma de Gilles Carle notamment à cause de la parlure de ses personnages. Évidemment, j'enviais la beauté lumineuse de Micheline Lanctôt et celle, ténébreuse, de Carole Laure dans La Tête de Normande St-Onge, mais plus encore, la fameuse diction des frères Daniel et Donald Pilon, de beaux bonhommes soit dit en passant, et la truculence du grand Guy L'Écuyer dans La Vie heureuse de Léopold Z m'amusaient. Le langage coloré qu'on retrouvait chez Carle me faisait davantage penser à ce que j'entendais autour de moi plutôt qu'au parler radio-canadien entendu à la télé ou à la radio, ou, encore, à l'église.

Vivant en banlieue de Québec mais attirée par les lumières de la Capitale et de la Métropole, je retrouvais dans les films de Carle un côté rural qui me plaisait et me dépaysait à la fois. Plus encore, j'avais l'impression que ce cinéaste était en fait un gars de party qui s'amusait à faire des films avec sa blonde du moment et ses chums – ma mère m'avait expliqué qu'il sortait avec Carole Laure à l'époque. Bien qu'à ce moment de ma vie je n'aurais pu l'exprimer, ce que je ressentais en voyant  ces films, c'était une joie de vivre contagieuse, l'envie folle de raconter des histoires et, surtout, de montrer au monde à quoi ressemblait le Québec.

Cette impression s'est renforcée des années plus tard en voyant Les Plouffe, de loin mon film préféré de Carle. Certes, je me reconnaissais à travers la célèbre tirade d'Ovide Plouffe, incarné avec brio par Gabriel Arcand, mais plus encore, je voyais enfin prendre vie sous mes yeux le Québec que ma grand-mère m'avait maintes fois raconté. Ne serait-ce que pour cette vibrante et chaleureuse chronique, je porterai toujours une certaine affection pour la contribution de Gilles Carle à notre cinématographie.

Les funérailles de Gilles Carle se tiendront ce samedi 5 décembre, à 11 h, à la Basilique Notre-Dame.

Sur ce, je vous invite à visiter la page de Gilles Carle sur le site de l'ONF.