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Cannes 2010: père manquant, fils manqué

 

Huit heures et demie le matin, incluant le décalage horaire qui se fait sentir dans le corps, n’est certes pas le meilleur moment pour apprécier à sa juste valeur un film chinois contemplatif… Et pourtant, malgré mon état de fatigue avancé, j’ai été totalement séduite par Chongqing Blues (Rizhao Chongqing) de Wang Xiaoshuai, réalisateur du très joli Beijing Bicycle.

Capitaine de bateau, Lin (extraordinaire Wang Xueqi, sérieux candidat pour le prix d’interprétation masculine) a passé sa vie en mer, négligeant ainsi son fils de 25 ans Lin Bo (Zi Yi). De retour après un voyage de six mois, il apprend que son fils a été tué par un policier lors d’une prise d’otage dans un magasin à la suite d’une rupture brutale avec sa petite amie.

Afin de comprendre la vérité sur ce tragique événement, Lin parcourt la ville de Chongqing afin de rencontrer les témoins du drame, dont l’ex-petite amie de Lin Bo, l’otage, jeune médecin, un gardien de sécurité blessé par Lin Bo et le policier l’ayant abattu. Au fil de ce pèlerinage, il réalise tout l’amour que lui vouait son fils qui l’attendait désespérément.

Au gré d’une mise en scène attentive aux émotions en retenue du personnage principal et soulignant de façon lyrique les gestes répétitifs de cet homme obstiné et obsédé par l'image de son fils qu'il multiplie à différentes échelles sur les murs de sa miteuse chambre d'hôtel, Chongqing Blues s’avère une magnifique réflexion sur le deuil et l’abandon.

Au travers du drame intime, le film donne à voir une société durement éprouvée par la situation économique et où la jeunesse semble trouver difficilement sa voie. Suivant un montage de plus en plus serré, le réalisateur recolle graduellement chaque morceau du casse-tête, et du coup, le drame au rythme lent se transforme subtilement en une quête initiatique des plus prenantes et captivantes. En résulte un film brillant et bouleversant qui hantera longtemps l’esprit.