A 101 ans, le doyen du cinéma Manoel de Oliveira ne chôme pas. Ainsi, dans les deux dernières années, il a signé pas moins de quatre longs métrages. S’il a revisité Buñuel dans Belle toujours, suite de Belle de jour, dans L’Etrange affaire Angélica, c’est lui-même que le réalisateur portugais revisite.
De fait, le scénario original de ce conte aux accents surréalistes date de 1952, mais ce n'est qu'une cinquantaine d'années plus tard que de Oliveira s'y est remis. Ceci expliquerait peut-être le climat d’inquiétante étrangeté dans lequel baignent les péripéties métaphysiques d’Isaac, jeune photographe (Ricardo Trêpa). Ainsi, le film semble flotter entre deux époques: les années 50, à cause du temps qui paraît s’être arrêté dans ce petit village rural; et aujourd’hui, à cause de tous les éléments actuels – lsaac s’attardera d’ailleurs à croquer sur le vif des vignerons travaillant à l’ancienne comme si le réalisateur s’amusait à brouiller les pistes.
Appelé un soir de pluie à se rendre dans la demeure d’une riche famille, le jeune homme est accueilli froidement par une domestique hautaine et une religieuse, qui se braque brièvement lorsqu’elle comprend qu’il est juif. En lui disant qu’il n’a rien contre le fait qu’elle soit religieuse, Isaac rassure la jeune femme qui s’adoucit. On lui explique alors qu’il devra photographier la soeur de celle-ci, Angélica (Pilar Lopez de Ayala), beauté blonde décédée le soir de ses noces.
En prenant quelques clichés, le photographe a la surprise de voir la jeune mariée lui sourire. Aucun des membres de la famille ne remarque ce qui vient de se passer. En développant les photos, la défunte lui adresse une fois de plus un sourire. Eperdu d’amour, Isaac recevra, au péril de sa vie, la visite du spectre d’Angélica le jour comme la nuit. Ce qui donnera lieu aux plus charmants moments du film.
Rappelant les toiles de Chagall, le cinéma de Méliès et de Buñuel, de même que les contes de Maupassant, L’Etrange affaire Angélica ravit d’abord par son charme insolite et suranné, ainsi que par ses personnages déroutants. Mais bientôt, devant l’intrigue ténue et la répétition des plans statiques – notamment celui d’Isaac buvant son thé figé devant la fenêtre – , la patience du spectateur s’étiole sérieusement et l’on se dit que pour cette fois, de Oliveira aurait dû signer un court métrage.