Orteils en sang, articulations qui craquent, muscles étirés, gouttes de sueur, démangeaisons cutanées, désordres alimentaires… Il y a quelque chose de très organique dans la façon d'illustrer le ballet de Darren Aronofsky dans Black Swan. Surtout lorsque la fragile et ambitieuse Nina, qu'interprète avec une intensité peu commune Natalie Portman (un oscar, svp!), obtient le rôle principal dans Le Lac des cygnes après avoir convaincu le directeur de la troupe (félin Vincent Cassel) qu'en plus de posséder la pureté virginale du cygne blanc, elle portait en elle la féroce sensualité du cygne noir.
Dominée par sa mère (Barbara Hershey, inquiétante), méprisée par celle qu'elle a supplantée (Wynona Ryder), enviée par les autres ballerines, la pauvre Nina se liera d'amitié avec la délurée Lilly (Mila Kunis), mais bientôt, elle sera obsédée par l'idée que celle-ci veut lui ravir sa place. Nina, déjà sujette aux hallucinations et aux mauvais rêves, perdra graduellement contact avec la réalité.
Multipliant les fausses pistes, brouillant les frontières entre les fantasmes et la réalité, Aronofsky livre un portrait saisissant d'un esprit fragile dévoré par l'ambition qu'il pimente d'effets horrifiques – parfois répétitifs et outranciers, je vous l'accorde. Mon collègue du Soleil Normand Provencher, encore lui!, me disait après la représentation que Black Swan lui avait fait penser au cinéma de Polanski.
De fait, le personnage de Portman rappelle à la fois celui de Deneuve dans Répulsion et celui de Farrow dans Rosemary's Baby. J'ajouterais que certains éléments d'horreur évoquent David Cronenberg et l'oppressant climat malsain, Possession de Zulawski. Bref, les frissons que j'ai eus pendant le film n'avaient rien à voir avec ceux que j'ai eus toute petite en voyant Karen Kain danser Gisèle… Je ne pourrai sans doute pas empêcher des images horrifiantes d'envahir mon esprit la prochaine que j'entendrai Le Lac des cygnes de Tchaïkovski.
P.-S. : Depuis la semaine dernière, je m'amuse sur Twitter. Ça vous dit de m'y suivre?